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Culture

Pour le plaisir des gens du peuple

#Aux sources de la musique coréenne l 2022-05-26

Aux sources de la musique coréenne

Pour le plaisir des gens du peuple

Visiter une région lointaine et inconnue, découvrir des paysages exotiques et différentes mœurs... Avant le développement et la démocratisation du voyage avec l’avènement des moyens de transports modernes, la plupart des Coréens ne pouvaient qu’en rêver. Un mot tombé en désuétude y fait référence : « wayu » que l’on peut traduire par « voyage immobile ».


Cela désignait, à l’époque de Joseon, un déplacement imaginaire à travers la lecture d’un récit de voyage, rapporté le plus souvent par un diplomate ayant visité la Chine, ou en regardant un tableau représentant un paysage exotique. Ce voyage immobile n’était cependant pas à la portée de tous ; la plupart des gens du peuple de Joseon étaient analphabètes ; la notion même de musée ou d’exposition leur était inconnue. En fait, le mot « wayu » désignait plus précisément une pratique dans le milieu des aristocrates.


Le pansori étant un art populaire par excellence, un passage de « Hungbuga » ou « Chant de Hungbu »  semble avoir été inventé en particulier pour permettre au commun des mortels de bénéficier d’un « wayu ». C’est un morceau désigné par les chanteurs de pansori : « voyage de l’hirondelle » et qui commence ainsi :


« La voilà qui, une graine magique à son bec, s’apprête à parcourir dix mille lieues pour regagner le pays de Hungbu. »


La suite pourrait interpeler un scientifique. Alors que les oiseaux migrateurs ayant hiverné en Chine méridionale reviennent en Corée en traversant la mer Jaune, notre hirondelle survole le nord de l’empire du Milieu. Sur son itinéraire, apparaissent alors les sites les plus célèbres pour leur paysage, leur monument historique ou leur légende, et ce pour le plaisir de l’auditoire, qui peut aussi assouvir son désir de « wayu ».


Pour parler d’un autre procédé adopté par « Hungbuga » afin de faire plaisir aux gens du peuple, rappelons qu’un récit populaire est ficelé en général de façon à amener le lecteur, ou l’auditeur, quand il s’agit d’un récit chanté, à se réjouir grâce à un homme gentil récompensé pour sa bonté et à detester un méchant. Voici d’abord une scène de notre numéro de pansori donnant de la joie à l’auditoire.


Hungbu vient de récolter les fruits de la graine magique que lui avait apportée en signe de gratitude l’hirondelle, qui avait bénéficié de sa bienveillance. Ce sont trois citrouilles énormes. Coupées en deux au moyen d’une scie, tant elles étaient grandes, on trouve à l’intérieur une huche pleine de riz. Hungbu et sa famille, pauvres au point de ne pouvoir manger à leur faim, sont d’autant plus joyeux que le riz est inépuisable. En effet, une fois vide, se remplissait toute seule. L’auditoire est aussi ravi, lui, qui souhaitait un événement heureux au personnage injustement infortuné.


Un méchant est particulièrement détestable, quand il fait usage du sophisme, qu’il utilise un raisonnement faux dans un cadre certes réel. Voici par exemple Nolbu, le frère aîné de Hungbu, qui prétend que c’est à lui qu’il doit sa fortune, explique pourquoi :


« Pour que cette hirondelle-là niche chez toi, tu devais bien avoir un toit. Tu en cherchais un, parce que tu t’es retrouvé sans abri. Et tu ne savais plus où habiter, parce que je t’avais chassé de la maison paternelle. C’est donc grâce à moi que tu t’es installé là où cet oiseau t’ayant rendu riche allait venir nicher. »


Alors que l’auditoire est indigné face à cet argument, le gentil Hungbu admet pourtant le raisonnement de son frère et lui permet de prendre chez lui tout ce qui lui plaît.


« Le voilà qui transporte sur son dos une belle armoire », chante l’interprète de « Hungbuga ». C’est le début de la fameuse scène dite « hwachojang ». C’est par méfiance et par crainte que son petit frère ne change d’avis, que Nolbu a voulu emmener tout de suite et lui-même ce meuble merveilleusement décoré mais lourd. Comme il se donne de la peine en le transportant ! Faute de pouvoir punir un homme méchant, il s’agit alors de le ridiculiser. Un moyen de satisfaire le public en colère contre lui.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Voyage de l’hirondelle » chanté par Kim Sun-ok.
  2.  « Hungbu joyeux » chanté par An Suk-sun.
  3.  « Hwachojang » chanté par Toris.

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