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Musique de pungryu

Un homme issu de la classe des « yangban », la noblesse de Joseon, se serait dit en entendant un air de musique dans une fête populaire : « C’est amusant. Mais ce n’est pas mon genre. » Plus du tout intéressé par le spectacle, il s’éloigna de la foule. On pouvait apercevoir toutefois ses épaules bouger légèrement, de façon rythmique, comme répondant, malgré lui, à la mélodie joyeuse qui se jouait derrière lui.


Quel type de musique préfère-t-il ? Eh bien, exactement le contraire de celle à laquelle il a un instant prêté l’oreille. Une musique qui ne se joue pas devant la foule, mais dans un espace où sont réunis quelques amis partageant le même goût. Une mélodie qui, loin de provoquer un enthousiasme exacerbé, incite à un recueillement, une sonate ou une cantate assez ennuyeuse pour l’oreille des gens du peuple. C’est pour cette raison justement que ses admirateurs la chérissent davantage. Selon ces derniers, des aristocrates, les roturiers ignorent le « pungryu » pour ne pas aimer la musique qu’ils adorent.


Qu’est-ce le « pungryu » alors ? Eh bien, traduisez-le par « le bon goût », « le goût artistique », et pour en avoir une idée plus précise, imaginez un pavillon solitaire donnant sur un cours d’eau. Il a accueilli quelques oisifs portant tous un « gat », le chapeau emblématique de la noblesse de Joseon. Ces aristocrates admirent la vue et échangent leurs impressions sur le paysage panoramique. Soudain une brise se lève et caresse doucement leur visage. Comme inspiré par les circonstances, l’un d’eux sort une petite flûte, le danso, et se met à jouer un morceau du genre dit « musique de pungryu ».


Ceux qui affectent le « pungryu » n’aiment sans doute pas tellement la musique populaire, le « nongak » en l’occurrence, la musique des paysans. Il peut leur arriver même de se boucher les oreilles quand ils l’entendent, dominée par les percussions et au rythme frénétique. Cette musique presque assourdissante exprime la joie des paysans après avoir récolté les fruits de leur dur labeur, une réjouissance qu’un mondain veut bien partager. Mais selon son goût artistique, il ne devrait pas être exprimé de façon si directe, pour ne pas dire violente. En effet, qui dit « bon goût », voire « élégance », dit « modération » et « retenue ».


Pour en revenir au « pungryu » en matière de poésie, comment éviter l’expression directe ? Eh bien, on a recours à la métaphore. Voici un poème chanté que l’on attribue à un élégant de Joseon, d’autant qu’il s’agit d’un « sijo », forme poétique particulièrement appréciée par les mondains affectant le bon goût.


Pour évoquer un chagrin d’amour, peut-être le sien, l’auteur imagine une faisane poursuivie par un faucon au-dessus d’une montagne nue. Le pauvre oiseau ne trouve refuge nulle part. Son désespoir est semblable à l’état d’esprit d’un homme ou d’une femme au cœur brisé.


Est-ce que les gens du peuple ignorent le « pungryu » ? Le mot est pourtant d’usage dans leur milieu. Ils disent par exemple à propos d’un homme réputé travailleur : « Celui-là ignore le pungryu. » En fait, par ce mot cher à un aristocrate, ils entendent « ne pas travailler », « s’adonner au plaisir ». Affecter le bon goût, c’est pour eux se comporter comme ces oisifs réunis dans un pavillon pour admirer une belle vue, pendant que les paysans suent dans leurs champs et rizières.


Curieusement, un écrivain français, Balzac, partage leur opinion. Dans un essai intitulé « Traité de la vie élégante », il décrit ce mode de vie comme celui des « hommes qui ne font rien », par opposition à ceux qui travaillent. Son propos consiste plus précisément à décrire la classe des oisifs pour laquelle l’application du bon goût est un moyen d’éviter l’ennui du repos absolu.


Au fil des années, avec la démocratisation du temps libre, les Coréens qui appartenaient à la classe populaire parvenaient à bénéficier des loisirs qui étaient jusqu’alors réservés à la noblesse. L’apparition d’un nouveau type de « musique de pungryu » en est une conséquence. En l’occurrence, des sonates pour gayageum, d’inspiration du genre de musique préféré par les élégants de Joseon, mais beaucoup moins modérées, donc plus divertissantes.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Cheongseonggok » avec Yi Doo-won au danso.

2. « Ni les arbres... » chanté par Yi Dong-kyu.

3. « Doderi » avec Yi Seulgi au gayageum.

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