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Culture

Le politique à l’âme de poète

#Aux sources de la musique coréenne l 2022-09-22

Aux sources de la musique coréenne

Le politique à l’âme de poète

On peut trouver parmi les hommes politiques un admirateur de  poésie, mais pas une âme poétique. En fait, le politique s’occupe de l’intérêt général ; le poète, lui, n’est intéressé que par lui-même. Toute poésie est en effet un discours à la première personne du singulier.


Dans l’Antiquité chinoise et coréenne, les deux pays partageant plus d’un point commun en matière politique et culturelle, il n’était cependant pas rare, loin de là, de trouver dans l’entourage du souverain un homme né visiblement poète. Comment pouvait-on le reconnaître si facilement ? Eh bien, il ne renonçait jamais à son opinion face à celle de tous les autres à laquelle Sa Majesté se ralliait la plupart du temps. L’homme faisant cavalier seul finissait ainsi par être chassé de la cour et condamné le plus souvent à l’exil. Tant mieux pour nous, car c’était à ce moment-là qu’il devenait poète à part entière et qu’il écrivait des poèmes admirables, suite à sa conviction renforcée qu’il était différent des autres.


Tel fut le cas de Su Shi ou Su Dongpo, un grand poète chinois des Song. Sur son lieu d’exil, il écrivit un « fu », une sorte de poème en prose, dont un passage révèle son espoir d’être réhabilité :


A-t-on jamais vu la lune

céder à son éclipse

pour disparaître à jamais


Le poème de Su Shi, intitulé « Fu à la falaise rouge » est connu aussi des Coréens, au point qu’il constitue les paroles d’un « danga », un chant d’échauffement en quelque sorte précédant l’interprétation d’un numéro de pansori.


Un chant lyrique de l’époque de Joseon, « Le Pavillon dans la forêt de pins », évoque le poème de Su Shi. Il semble que l’auteur anonyme connaissait, non seulement l’œuvre du poète chinois, mais aussi les circonstances dans lesquelles elle a été composée.


Un soir d’automne, l’exilé reçoit la visite d’un ami venu de loin. On imagine sa grande joie. En profitant de la pleine lune, il invite le visiteur à une promenade en bateau. Selon la légende, le célèbre poème aurait été composé à bord, pendant que les deux amis trinquaient au clair de lune, ayant laissé le bateau aller à la dérive.


« Coupez ces pins », disent les paroles du chant dont l’auteur est inconnu. « Faites-en-moi un bateau / Chargez-le de vin et de ce qui va avec... »


Pourquoi pas ? On peut attribuer ce texte à une âme poétique qui figurait dans l’entourage d’un roi de Joseon, un homme persistant dans son opinion, seul contre tous, et qui, finalement, a provoqué l’irritation de son souverain. Le voici sur son lieu d’exil et, faute d’autant de talent que le grand poète chinois, cherchant à l’imiter, voir à se retrouver dans les circonstances qui ont inspiré « Fu à la falaise rouge ».


Lui, c’était sans aucun doute un homme politique à l’âme de poète. C’est Yun Seon-do dont la carrière politique a été une répétition d’exil et de réhabilitation. Quand on songe qu’il a passé presque la moitié de sa vie en exil.


Dans sa vieillesse, à 65 ans pour être précis, Yun se condamne lui-même à un exil dont il est cette fois sûr qu’il est sans retour. En réalité, il a décidé de se retirer du monde, et ce avec toute sa famille. Destination Jeju, une île, aujourd’hui un haut lieu touristique, mais qui, à l’époque de Joseon, accueillait des condamnés à l’exil, un lieu considéré comme le bout du monde.


Yun, avec sa famille, monte dans le navire « chargé de vin et de ce qui va avec ». Ce n’est toutefois nullement une promenade en bateau, mais un périple à haut risque. Pour l’instant, la mer est tranquille. A bord, l’exilé volontaire, devenu déjà poète, fredonne une chanson inspirée par le bruit des flots. Il est content de son choix et rêve d’une vie paisible, presque paradisiaque, loin des calomniateurs, voire des jaloux, lorsque le ciel se charge de gros nuages et annonce un typhon.


Le navire, ayant heureusement survécu à la violence du cyclone tropical, échoue sur une île. Est-ce Jeju ? Pas du tout. C’est une petite île comptant une poignée d’habitants. « Tant mieux », se réjouit Yun. Il décide de s’y installer avec sa famille. Et c’est sur cette île dit Bogildo qu’il va écrire « Les Quatre saisons du pêcheur », un poème en alphabet coréen, le « hangeul », alors que la plupart des hommes de lettres, ses contemporains, favorisaient l’écriture chinoise pour la création poétique.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Fu à la falaise rouge  » chanté par An Ok-seon.

2. « Le Pavillon dans la forêt de pins » chanté par Kim Kyeong-bae.

3. « Les Quatre saisons du pêcheur » chanté par Kim Na-ri.

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