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La joie de vivre

On mange bien dans la province coréenne du Jeolla située dans le sud-ouest du pays. Pour se vanter, un habitant de cette région peut dire : « Eh bien, chez nous, à chaque repas, on ne compte pas moins d’une dizaine de petits plats qui accompagnent le riz ! » En effet, la table dans le Jeolla est particulièrement riche. Allez manger dans un restaurant spécialisé dans la cuisine de cette région et commandez un « hanjeogsik », le repas coréen complet. Vous y trouverez, pour manger avec du riz, une grande variété de « banchan », petits plats donc, préparés à base de différents ingrédients et selon les recettes traditionnelles appropriées.


A quoi doit-on la richesse culinaire du Jeolla ? A sa vaste plaine de Honam, le grenier du pays du Matin clair, au fait que l’ouest et le sud de cette province sont bordés par la mer et probablement au désir héréditaire de ses habitants de faire valoir au maximum les produits comestibles abondants dans leur région. Ce désir est une forme de vouloir jouir de la vie, celle qui se manifeste aussi dans la musique du Jeolla. En fait, l’art culinaire et l’art tout court sont tous deux inspirés de l’amour de la vie.


Le « yukjabaegi » est un type de musique vocale propre à la province de Jeolla. Il est caractérisé par une mélodie joyeuse, qui traduit la joie de vivre partagée par les gens bénéficiant de l’abondance dans leur région de nourritures terrestres.


Dans la terminologie du gukak, « yukjabaegi » désigne la mesure à six temps, un type de mesure très rare. Le même mot est utilisé aussi pour parler d’une position du corps : être couché en « yukjabaegi », c’est-à-dire les bras et les jambes écartés et allongés. Cette position représente effectivement le chiffre 6, « yuk » en écriture chinoise.


Un individu couché dans cette position-là a l’air libéré de toute sorte de contrainte et abandonné à lui-même. Il faudrait justement savoir se détendre comme tel pour interpréter un « yukjabaegi » caractérisé aussi par la tessiture très étendue. « Décontracte-toi et laisse la musique s’emparer de toi », peut dire un maître de chant à son élève cherchant à augmenter sa tessiture vocale.


Quant à un autre chant folklorique du Jeolla, ses paroles semblant insister sur la frivolité de la vie sont, à première vue, difficilement attribuables aux habitants de la terre des jouisseurs :


Un rêve, tout n’est qu’un rêve

Toi et moi, nous ne sommes que dans un rêve

Ceci et cela, ce n’est rien qu’un rêve

On s’éveille d’un rêve pour en faire un autre

On nait dans un rêve, vit et meurt dans un rêve


Le monde est-il une illusion ? Un adepte de Shopenhauer dirait : « Oui, comme représentation de ma volonté. » Volonté étant ici synonyme de désir, cela revient à dire qu’il faut sans cesse désirer pour que le monde ne s’évanouisse pas comme un rêve, à savoir chercher incessamment à vouloir jouir. Les habitants du Jeolla ne penseraient pas autrement. Au fait, les paroles du chant en question semblent en filigrane faire l’éloge de vouloir-vivre.


« Vivre sans temps mort, jouir sans entrave ». Les soixante-huitards, qui ont inventé ce slogan, auraient pu trouver leur frère chez les gens de Jeolla. La recherche de la jouissance de la vie de ces derniers est palpable aussi dans leur manière de parler, marquée par un accent chantant. Imaginez l’un d’entre eux raconter une histoire avec cet accent. Vous êtes aux sources du pansori, récit chanté ou opéra à un seul chanteur, l’art vocal né et développé justement dans la province de Jeolla.


Liste des mélodies de cette semaine

1. «Yukjabaegi » chanté par Bang Su-mi. 

2. « Heungtaryeong » interprété par Kim Jun-su.

3. « La Mer de l’est » chanté par Kim Yul-hee.

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