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Cinéma & dramas

Minari : rêve américain

2021-02-03

Séoul au jour le jour


Le film « Minari » de Lee Isaac Chung n'a eu pas moins de deux stars pour veiller sur son berceau comme producteurs executifs : Brad Pitt et Steven Yeun. Ce dernier tient le rôle principal dans cette histoire de famille coréenne aux Etats-Unis qui s'installera bientôt sur Netflix après avoir fait le tour des festivals internationaux grapillant le grand prix au Festival américain de Deauville et un autre prix à Sundance.


* L'Arkansas

L'une des qualités du film est de ne pas tomber dans le travers de la reconstitution historique. Trop de carton-pâte, de costumes et de décors de studios trop neufs pour être efficaces. Ici, le fait que cela se passe dans la campagne intemporelle de l'Arkansas facilite les choses. D'après l'âge de la grand-mère jouée pa Yoon Yeo-jung, et le fait qu'elle soit une rescapée de la guerre de Corée, on comprend que nous sommes dans les années 1970, mais le film évite de s'embourber dans la reconstitution et il évite de se coltiner la confrontation culturelle entre Américains et Coréens. Tout est très naturel, comme dans la réalité. La belle campagne américaine vient contraster avec les difficultés que rencontre la petite famille coréenne (même si le dernier fils est né aux USA) qui vient de bouger de Californie pour créer une ferme au fond de nulle part. 


*Souvenirs de famille

Il est clair que le scénario est basé sur une expérience vécue probablement par le réalisateur qui est un Américain d'origine coréenne. Beaucoup de détails filmés sobrement avec un concept fort autour de la maison sur roue que la famille, sans ressources, est obligée d'habiter en attendant que la terre produise ses fruits et légumes. L'histoire se complexifie avec l'arrivée de la mère de l'épouse (jouée par Han Ye-ri) et avec cet étrange fermier, vétéran de la guerre de Corée, et hyper religieux joué par l'excellent Will Patton.


La grand-mère est définitevement une rebelle, placide devant les mésanventures de son beau-fils obligé de trimer dans une usine de poussins tout en s'efforçant de trouver de l'eau pour ses cultures. Elle va pourtant se frotter au petit garçon, né Américain, dans une confrontation inattendue. Le petit garçon s'affiche bien plus conservateur de la mamie gouailleuse et joyeusement anar (voir le vol de l'argent des dons d'église). Mais le garçonnet est aussi plus vicieux qu'elle quand il lui refile incognito sa pisse à boire. Difficile de tirer des leçons de cette confrontation – comme le final très délètere du film le confirme – la génération de la mamie serait-elle en cause ? C'est elle qui va causer l'incendie de la ferme, par exemple.


* Religion des pionniers

Le film montre bien comment les communautés s'organisent autour d'églises et de temples ; les Coréens immigrés, tout particulièrement. On apprend la confrontation entre ceux des églises de ville et ceux des campagnes. Et aussi le peu de confiance que les uns portent aux autres ; Steven Yeun enrage plusieurs fois contre ses compatriotes. Pourtant, c'est l'église du coin qui va fournir une sociabilité aux enfants et à la mère, Han Ye-ri. Très religieuse, cette dernière va s'acquoquiner avec Will Patton qui est une sorte de mystique. Il pratique à la fois l'exorcisme chrétien (une  scène surréaliste le montre porter une croix à la manière du Christ) et quelques rituels chamaniques. Cet encadrement coercitif de superstitutions et de communautés religieuses aurait pu être poussé plus loin, mais le film prèfère suggérer légèrement, avec un Steven Yeun râleur à ce sujet.


* Style

« Minari » est sombrement filmé, presque sans effets visuels, et se veut naturaliste au possible. Il l'est souvent, en cadrant les intérieurs de la petite maison ou en suivant ses personnages dans la nature. Le fait que Han Ye-ri ait courageusement renoncé à la surcharge de maquillage habituelle dans les films sud-coréens, aide beaucoup à ce naturel. Mais le film cherche aussi des effets plus construits avec la musique qui vient de temps à autre souligner des scènes filmées au ralenti, des moments en forme d'apnée ou de méditation sur le destin de ce petit monde. Il laisse aussi Yoon Yeo-jung incarner une mamie plus vraie que nature, elle vole la vedette même à l'excellent Steven Yeun.


Les seuls bémols viennent, d'abord d'une confrontation entre mari et femme trop intermittente pour être claire : fierté égoïste de l'homme devant la réussite de la ferme contre recherche maladive de surprotection de sa progéniture par la femme ? Et ensuite le final, trop allusif. Alors que le drame de l'incendie a eu lieu, tout recommence, sans passer par la case départ. Malgré cela, le film est un nouveau jalon important du cinéma coréano-américain qui tend, de plus en plus, à un développement spécifique et original comparable à celui des films italo-américains des années 1970-80.

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