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Cinéma & dramas

Pachinko ou Apple TV en Corée du Sud

2022-04-13

Séoul au jour le jour


Après les séries de Netflix comme « Squid Game » ou « Hellbound », c'est au tour de Apple TV de produire des séries sud-coréennes. Avec « Pachinko », la firme américaine plonge profond dans l'histoire tourmentée de la Corée et de ses déboires avec l'impérialisme nippon ; le tout sur fond de romance avec princes charmants et pauvres Cosettes.


* Le contexte historique

Ce qui frappe dès les premiers épisodes vient du contexte historique de cette série : la colonisation japonaise de la Corée. On est donc en 1915. Cela fait 10 ans déjà que l'armée nippone est installée en Corée et qu'à partir de 1910, le pays devient officiellement une colonie de l'empire. Le sujet a longtemps été tabou au cinéma et dans les séries, mais depuis les années 2000, il revient en force. Aidé par le néo-nationalisme qui s'appuie sur l'anti-japonisme, une relecture de l'histoire est en cours dans les représentations audiovisuelles. Pourtant, dans « Pachinko » la période coloniale n'est pas si noire, certes la « kampetai » sillonne les rues, mais les villageois de Yeong-do, l'île où se situe en grande partie l'histoire, semble avoir la vie belle, bien que humble. Comme d'habitude avec l'idéologie nationaliste, on ne distingue pas vraiment les riches des pauvres, même si le prince charmant (joué par Lee Min-ho) qui engrosse la petite paysanne (jouée par Kim Min-ha) est un riche collaborateur coréen (avant d'être un yakuza, etc... heureusement que la série n'est pas trop longue), l'histoire ne développe pas plus que ça. Le second prince charmant (joué par Steve Sanghyun Noh) est lui chrétien de Pyongyang. Ce qui montre bien l'importance de la christianisation coréenne à l'époque, sa participation à la lutte pour l'indépendance mais aussi le fait que la Corée n'était encore qu'un seul pays unifié par la dynastie Joseon au 14e siècle. Ces rappels historiques sont synthétisés par le personnage de la grand-mère joué par Youn Yuh-jung.



* Famille recomposée

La série s'articule sur le parallèle entre la situation coloniale passée et la situation contemporaine, qui est située en 1989. Bien sûr, la date n'est pas choisie au hasard, car elle correspond à la fin officielle de la dictature militaire en Corée du Sud. On y suit l'ascension japonaise du carriériste Solomon Baek (joué par Jin Ha) qui est le petit-fils de la grand-mère interprétée par Youn Yuh-jung. Oui, c'est difficile à suivre mais cela a l’intérêt de montrer que les familles recomposées ne datent pas des années récentes ni seulement de l'Occident. Les très larges familles coréennes étaient déjà depuis longtemps recomposées aux hasards de l'histoire. Et ceci, jusqu'à ne pas savoir clairement qu'elles étaient les relations familiales des uns et des autres. C'est sur cet aspect que joue la série en ne dévoilant que peu à peu les liens des personnages à travers les époques.


* Une intrigue de mélo

Si on en revient à l'intrigue elle même, elle ressemble aux vieux mélos des années 1950. On y retrouve des coups du destin comme la fille engrossée dès sa première relation sexuelle ; le père qui tombe soudain malade ; le sémillant jeune homme qui débarque tout d'un coup et illico prend sous sa protection la veuve et l'orpheline, etc.  Si le contexte historique se veut lourd de sens, l'intrigue, elle, est très surfaite avec bien peu de logique et d'approfondissements. La mise en scène qui se resserre principalement sur des gros plans des personnages – à la manière des dramas de télévision – se focalise sur la romance entre les jeunes bellâtres (Lee Min-ho et  Steve Sanghyun Noh) et la Cosette de service (Kim Min-ha). On se demande bien ce qu'ils lui trouve. En tout cas, elle passe son temps à pleurer, et une scène en forme d'auto-dérision survient au quatrième épisode, quand la mère tance sa fille qui vient de pleurnicher inutilement pendant les trois dernières scènes. Notons aussi l’importance de la nourriture tout au long des épisodes : la moitié des scènes se déroulent lors de repas avec une grosse pub pour le riz national, le meilleur du monde. Les scénaristes devaient sûrement avoir faim en gribouillant leur devoir de classe.



* Critique en sourdine

Bref, les productions coréennes de Netflix, de « Squid Game » à « Hellbound » en passant par « All of Us Are Dead » nous avaient habitués à une critique sociale féroce et bienvenue. Ici, tout est dans la sourdine excepté l'anti-japonisme simpliste et les cocoricos nationalistes. Cependant, la partie contemporaine avec les déboires du carriériste d'origine coréenne au Japon ne traduit pas seulement le racisme dont sont victimes les zainichi, mais aussi une critique de l'ambition capitaliste et bureaucratique. Citons, notamment - même si la scène est peu claire – le moment où l'ambitieux perd son poste à cause du refus d'une grand-mère de vendre sa maison au nom d'autres valeurs, la mémoire, la morale contre l'argent et le pouvoir avant tout.

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