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Cinéma & dramas

Yeong-ja's Heydays : l’hôtesse manchote

2022-08-31

Séoul au jour le jour


Toujours dans notre série de films classiques des années 1970-1980, il est temps de se pencher sur le cas de "Yeong-ja's Heyday's" du réalisateur Kim Ho-sun. Ce dernier était un cinéaste renommé des années 1970 notamment avec son gros succès : "Winter Woman" en 1977. Mais c'est avant cela qu'il tourna "Yeong-ja's Heydays" son deuxième film à ouvrir le filon relativement lucratif des films d'Hôtesses en Corée du Sud. Contre toutes attentes, ce film centrée sur une prostituée qui a perdu un bras remporta un gros succès dans une Corée du Sud encore traumatisée par la réélection frauduleuse de son dictateur militaire et  embarquée dans l'industrialisation à marche forcée.



* Noir c'est pas toujours noir

Disons-le d'emblée : le sujet est de prime abord des plus sombres : après son retour de la guerre du Vietnam, le personnage interprété par Song Jae-ho, Chang-su se met à travailler dans un bain public. Dans un commissariat, il croise Yeong-ja (interprétée par Yeom Bok-sun) son ex-copine. Trois ans auparavant, ils s'étaient rencontrés à l'usine. Elle était la servante du patron. Chang-su tombe amoureux et veut l'épouser, mais le fils du patron la veut pour lui. Les affaires se compliquent tandis que Chang-su est à la guerre. Yeong-ja est virée et doit survivre de petits boulots. Après l'usine et les bars, elle conduit des bus et finit par avoir un accident. Elle y perd un bras. Elle se retrouve à faire le tapin comme prostituée professionnelle. Chang-su la retrouve donc et lui promet de s'occuper d'elle et de lui fournir un bras artificiel; mais Yeong-ja préfère s'en aller seule. Plusieurs années plus tard, Chang-su retrouve Yeong-ja. Elle est mariée et a des enfants. Son mari est aussi handicapé. Chang-su est heureux. C'est le happy-end final.



* Misérabilisme

Un peu comme dans les films néo-réalistes italiens - et on sent que Kim Ho-sun connaissait ses classiques - la tendance au misérabilisme est frappante. Yeong-ja erre de taudis en taudis. La répression policière est permanente pour pourchasser les marginaux. Ces derniers sont considérés par le gouvernement comme des déserteurs, des déserteurs du travail en usine ou en ferme industrielle. L'embrigadement de la classe ouvrière est la règle à l'époque. Toutefois, le cinéaste ne tourne pas dans les vrais lieux de l'action. Les ruelles sordides et tortueuses, les éclairages blafards, les taudis aménagés d'objets récupérés sentent les studios de cinéma. Il n'y a peut-être que les bouteilles de Soju Jinro qui sont des marqueurs du temps passé. Yeong-ja elle-même, malgré sa situation précaire de sans domicile fixe, a toujours le teint frais et les yeux délicatement maquillés. Pourquoi pas ? Elle est bien séduisante en fausse alcoolique qui débite des jolies choses sur la vie entre deux verres de soju. C'est cela qui a du plaire au public : la misère dans l'idée mais sans sa profondeur. De même l’handicape physique est à peine survolé. Les chansons de l'époque s’égrènent au fil des séquences confirmant cette vision en technicolor de la condition prolétarienne des années 1970. Le baiser à travers les barreaux entre une Yeong-ja revêtue d'un bonnet jaune sur des lèvres rose bonbon et un Chang-su en uniforme de prisonnier flambant neuf restera une image de cette esthétique.



* Le passage du temps et premier amour

Un effet classique du mélodrame des années 1970 est l'ellipse de longue période de temps. On retrouve les personnages des années plus tard; et le jeu est de découvrir les différences et les similitudes. Dans ce film, les trois époques des rencontres entre les amoureux - avant la guerre du Vietnam, après le retour de Chang-su et la période finale - forcent la mélancolie. Cela n'a pas toutefois la force du retour de Catherine Deneuve dans "Les Parapluies de Cherbourg" mais bon, tout est dans l'idée.  Comme souvent, les visages malgré les années ne changent pas beaucoup, et la discussion est très théorique : elle a obtenu ce quelle a toujours voulu, même si elle n'a pas voulu tout ce qu’elle a eu, il est triste et content à la fois. Mais le mari de Yeong-ja sympathise avec lui en retournant en ville sur leur mobylette; Yeong-ja a donc deux hommes désormais. Qui dit mieux ? C'est finalement l'histoire classique du premier amour sacralisé, censé être inoubliable, et qui est ,en fait, lié au culte traditionnel de la virginité féminine. 


ⓒYONHAP News

* Films d'hôtesse et néo-réalisme

Les films d'hôtesses n'ont pas tous la même esthétique. Kim Ki-young, par exemple, avait son style très coloré et proche des films d'horreur pour raconter ses histoires de servantes semi-prostituées; Kim Ho-sun, lui, a longtemps conservé l'influence du néo-réalisme italien, tant admiré par les cinéastes coréens. Cela se voit sur certains plans de l'usine où travaille Chang-su mais cela disparaît dès qu'il se met à filmer les dialogues de rom-com, romance-comédie, avec le sur-jeu comique de Chang-su et la tendance glamour de Yeong-ja (due au réalisateur réputé pour découvrir de jeunes actrices). Kim Ho-sun se départira de ses obligatoires et simplistes effets des rom-com quand la censure dictatoriale cessera d'officier. Son film "Rainbow Over Seoul" en 1989, tentera vainement de s’inscrire dans la mouvance pro-démocratique du cinéma de cette fin d'époque.

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