Aller au menu Aller à la page
Go Top

Cinéma & dramas

Seoul Vibe contre la dictature

2022-11-09

Séoul au jour le jour


Le film super-vitaminé « Seoul Vibe » est mieux que le chewing-gum des yeux pour ados qu'on attendait. Dictateur, corruption, misère et rêves de châteaux en Espagne sont au programme. Avec l'acteur Yoo Ah-in au casting, connu pour ses rôles politiquement impliqués, il fallait s'y attendre. Ce démarquage de l'hollywoodien « Fast and Furious » s'ancre solidement et joyeusement dans le contexte sud-coréen des années 1980.



* Solide étude de la Corée 1970-1980

Ce qui frappe dans ce film qui aurait pu être une énième comédie d'action à l'américaine, c'est la recension maline et convaincante des changements en cours dans la société sud-coréenne des années 1970-80. Nos jeunes héros ne cessent d'utiliser des expression américaines, par exemple. Ils s'extasient devant le Coca-cola, les Mac-do et les marques de chaussures de sport importées. Importées aussi sont les voitures de luxe qui servent à se distinguer pour les riches sud-coréens qui friment comme ils peuvent. Mais les petits mécanos dingues de bagnoles comme nos héros sont déjà au parfum pour tout ce qui vient de l'eldorado étranger. D'un autre côté, le film ne manque pas de souligner des traits coréens typiques de ces années : les premiers « so-maec », mélange de soju et de bière bon marché ; les tentatives des marques coréennes pour des voitures de luxe: de l'humble et robuste Poney, on passe à l'épate à l'américaine avec la « Grandeur » chez Hyundai. La musique aussi envahie le film avec ses tubes des années 80, les débuts du hip-hop et du rap, musiques mal vues pendant longtemps au pays du Matin Clair mais qui émergent irrésistiblement dans la nouvelle classe dite des « jeunes ». Michael Jackson est déjà une idole même s'il est encore plus ou moins noir de peau. Les accoutrements ne sont pas en reste, outre les chaussures de sport, on retrouve les t-shirts et les chaînes en plaqué or pour hommes, seules les coiffures de ces derniers portent encore la longueur des années 1970 avant la boule à zéro du service militaire.



* Les jeunes contre la dictature

Après un début des plus intriguant dans un désert paumé où nos héros, dont Yoo Ah-in, font du trafique d'armes, le film nous rejoue « Fast and Furious » avec ces clichés en mode bagnole, belles gueules, et action décervelée. On pense qu'on va s'ennuyer ferme avec un film clippé dans le genre MTV des années 1990. Mais voilà au bout d'une demi-heure que la transposition d'un groupe fou de voiture en Corée en 1988 – années des jeux olympiques à Séoul - prend tout son sens : ici, règne la corruption dans une société faisandée aux mains d'une dictature. Le film explique bien la transition en cours entre le général Chun Doo-wan poussé dehors par de longues manifestations populaires – il fait une apparition croquignolette dans un jacuzzi en demandant, nu, à son assistante et maîtresse - jouée par une excellente Moon So-ri - de l'y rejoindre. Chun vient de passer le pouvoir à Rho Tae-woo, son acolyte mais aussi, comme semble le dire le film, son concurrent. C'est là que s'insinue l'histoire de nos « mules » en voitures dopées. Ils doivent faire disparaître de l'argent sale mis de côté par le dictateur et ses complices, mais ils sont des agents doubles ou des doubles mules car deux procureurs au service de Rho Tae-woo veulent dévoiler la corruption de l'ancien dictateur. Cela se complique mais le contexte politique est clair. Les jeunes n'ont qu'à rêver de quitter le pays ou tenter désespérément de lutter contre la corruption ; mais celle-ci a si profondément gangrené la société que même l’assistante du dictateur Moon So-ri ne rêve que de quitter le pays avec son magot.



* Jeu d’acteur pas menteur

On est habitué à ses castings de groupe à l'américaine qui souvent ne donnent pas de bons films ou rarement tant le poids des stars est lourd à gérer. Ici, surprise, Yoo Ah-in et Moon So-ri ne passent pas au-dessus de leurs personnages mais les servent. La réaction outrée de Moon So-ri quand Yoo Ah-in la traite d'ajuma restera dans les annales du cinéma coréen ; sa façon de se battre à coup de pied et de revolver, ou sa façon d'envier les jeunes hommes et femmes tout au long du film créent un véritable personnage haut-en-couleur au-delà de la simple idée d'une vieille fille mécréante et prostituée occasionnelle pour dictateur et autres hommes fortunés. Après le clipage de la première partie du film, le réalisateur cesse heureusement de jouer du système des multi-caméras, et devient assez précis dans sa mise en scène pour laisser à Yoo Ah-in le loisir de jouer son personnage anti-establishment, chauffeur d'élite et cénobite (oui, aucune femme autour de lui !) en profondeur. Le reste du casting est tout en transfuges liées à la musique : le rappeur Song Mino, par exemple, Ong Seong-wu, Go Kyung-pyo, Oh Jung-se pour le côté des youngsters. Bref, « Seoul Vibe » est une petite surprise qui annonce un tiraillement encore plus profond entre les plats blockbusters locaux comme « Hansan » ou « Confidential Assignment 2 » et les films orientés vers un public international.

Contenus recommandés

Close

Notre site utilise des cookies et d'autres techniques pour offrir une meilleure qualité de services. En continuant à visiter le site, vous acceptez l'usage de ces techniques et notre politique. Voir en détail >