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Cinéma & dramas

Kwon Hae-hyo, l'homme tranquille

2022-12-14

Séoul au jour le jour


L'acteur Kwon Hae-hyo est devenu, ces dernières années l'alter-ego vieillissant du réalisateur Hong Sang-soo. Bien que ce dernier soit plus vieux avec 62 ans contre 57 ans pour Kwon. C'est en 2012 qu'ils ont tourné leur premier film ensemble, « In Another Country » avec Isabelle Huppert, pour ensuite enchaîner huit films ensemble dont les deux derniers cette année : « The Novelist's Film » et « Walk-up ». Pourtant, Kwon a déjà une longue carrière derrière lui avant sa période Hong Sang-soo. Voyons cela de plus près.


ⓒYONHAP News

*  Chanceux marié

Kwon Hae-hyo a fait des études de cinéma et de théâtre à Séoul. C'est là qu'il a rencontré et épousé la belle Cho Yoon-hee, l'actrice de « Premier Amour » de Lee Myung-sae et celle qui fait la célèbre couverture du premier livre sur le cinéma coréen publié en France par moi-même (« Le cinéma sud-coréen : du confucianisme à l'avant-garde » sorti en 1996). Disons-le d'emblée : Kwon n'avait pas dès le départ la gueule d'un jeune premier. Trapu et arborant une grimace simiesque presque en permanence, il était tout droit dédié aux rôles de gangsters ou de seconds couteaux. Il commence donc au théâtre au début des années 1990 avant de tenter le cinéma et la télévision. Car Kwon est, avant tout, partie prenante du mobilier télévisé coréen. Dès 1993, il joue les hommes lambda dans de nombreux sitcoms des familles. A la télé, c'est en 2002 qu'il passe au grade supérieur en apparaissant dans la série à succès « Winter Sonata » puis dans « Story of a bright Girl ». Avec la libéralisation des chaînes et les tléphones portables, le temps des soaps made in Korea a commencé et Kwon aussi.



* Kwon et le non-héros coréen

C'est en 1994 que Kwon trouve un bon rôle au cinéma dans « The Fox of Nine tails », basé sur l'érotisme traditionnel féminin qui voit d'un mauvais oeil la femme en renarde corruptrice. Toutefois la carrière de Kwon ne décolle pas sur le grand écran. On le voit dans « Ghost Mamma » en 1996, puis « Last Present » en 2001 et « Cyrano Agency » mais ce sont des rôles secondaires au milieu d'une longue liste de films secondaires. Kwon le sait, il ne sera jamais un premier rôle malgré sa capacité à intensifier son regard jusqu'à le rendre agressif et très noir tout en restant placide. Non pas qu'il soit un anti-héros comme ceux du nouvel Hollywood des années 1970, mais il pâtit d'un cinéma coréen qui a du mal à gérer les héros. Sous les dictatures, les héros sont officiels (l'amiral Yi Sun-sin, An Jung-geun, par exemple), impossible d'en créer d'autres dans les films. Surtout, les rôles sociaux déterminés par le néo-confucianisme ne font aucune place aux héros. Kwon est donc parfait en homme lambda, plutôt tranquille, factotum et il s'en contente. Car lorsque les premiers héros cinématographiques coréens apparaissent enfin avec Lee Jung-jae, Jung Woo-sung, Lee Byung-hun ou Choi Min-sik, il n'est pas sur la liste. Ce sont les films de Hong Sang-soo qui vont le mettre en valeur et le sortir du decorum des sitcoms télévisées.



* Kwon et Hong

On ne sait pas exactement si c'est Hong Sang-soo qui s'est rapproché des TV dramas ou Kwon Hae-hyo qui s'est rapproché du cinéma. La nouvelle surenchère de dialogues communs qui remplacent toute action dans les films de Hong permet à Kwon de bien s'intégrer dans « Another Country » en 2012. Le ciné-radio de Hong permet à Kwon de jouer de sa voix, essentielle pour les sitcoms que les ménagères écoutent à distance. Kwon est d'ailleurs souvent narrateur ou doubleur comme pour l'excellent « The Fake » de Yeon Sang-ho, premier grand dessin-animé dénonçant l'aliénation religieuse. Kwon n'enchaîne pas directement avec Hong, on le voit dans « C'est si bon » en 2015 puis dans « Vanishing Time » en 2016 mais ce sont encore des rôles secondaires alors que Hong Sang-soo lui propose des rôles certes sans héroïsme mais qui tiennent une bonne place dans sa galerie de portraits filmés. Ce sera donc « Yourself and Yours » en 2016, où Kwon rempile sérieusement dans l'univers de Hong. En 2017 il est dans deux des films du cinéastes de renommée internationale : « On The Beach At Night Alone » et « The Day after ». Peut-être pour varier du réalisme naturaliste des films de Hong, Kwon joue dans « Tazza : one eyed Jack » et dans le film de zombie « Peninsula ». Cette fois, il a une vraie image au cinéma. Devenu une figure des associations en tous genres, il joue parfois presque son propre rôle quand ses personnages se nomment Kwon (dans « Tazza ») puis Hae-hyo dans « Fukuoka ». Entre deux films du genre fantastique comme « Whispering Corridors » et « The Cursed », il rempile avec Hong pour « The Woman who ran » et « In Front of your face ». Son alchimie avec l'actrice et muse de Hong, Kim Min-hee fonctionne à merveille. C'est la belle et la bête version Hong Sang-soo. Surtout, Hong semble voir en lui son alter-ego parfait. Cela peut sembler étrange car le réalisateur est bien plus vicelard que le placide Kwon, mais on ne se voit pas toujours tel que l'on est, mais tel qu'on voudrait apparaître aux autres. Bref, c'est en tout cas une chance pour Kwon Hae-hyo qui retrouve un dernier souffle à sa carrière loin des potiches pantouflardes du petit écran.

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