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Cinéma & dramas

Lee Je-hoon transfiguré par l'anarchiste Park Yeol

2017-07-26

Séoul au jour le jour


L'acteur Lee Je-hoon, même s'il a commencé sa carrière avec le film violent et indépendant « Bleak Night » en 2011, n'était jusqu'à présent connu que pour des comédies sans envergure comme « Phantom Detective » ou des séries télévisées comme « Signal ». Son rôle dans le rôle-titre du film « Park Yeol » de Lee Joon-ik l'a fait entrer dans la peau d'un personnage d'une envergure supérieure : celle de l'anarchiste Park Yeol flanqué de sa célèbre compagne Fumiko Kaneko.


*L'habit fait le moine

Lee Je-hoon avait déjà montré sa propension à se déguiser, notamment dans la comédie policière « Phantom Detective ». Cette fois, il a revêtu les frustres loques de Park Yeol, poète révolutionnaire coréen vivant dans la misère à Tokyo dans les années 1920. Les photos de Park Yeol, prises lors de son procès, sont célèbres avec sa tignasse très stylisée et sa moue provocatrice et surtout ses yeux perçants et moqueurs. Lee Je-hoon s'est physiquement métamorphosé pour entrer dans son rôle. Le réalisateur Lee Joon-ik emploie ses longs yeux aux regard en coin pour souligner la malice du personnage, son irrévérence face à tout ce qui représente une autorité. Le déguisement sera redoublé dans le film et dans la réalité historique, lorsque Park Yeol alias Lee Je-hoon entre en grand costume traditionnel coréen dans la cour de justice japonaise à la fois pour narguer les autorités et pour rappeler la colonisation de la Corée. Le travail sur les deux langues japonaise et coréenne peut aussi être vu comme un jeu de travestissement que le personnage s'offre quand il en a envie : par exemple, il parle à son juge en coréen et celui-ci lui répond en japonais.


*Rôle biographique et rôle de création

Même si le film est basé sur des personnages célèbres, il a fallu leur inventer une intimité, spécialement dans la relation de couple entre Park Yeol et Fumiko Kaneko – interprétée par Choi Hee-seo. Lee joue la carte sentimentale plusieurs fois en pleurant ou en se montrant fier devant la force de Fumiko. Il se place d'emblée comme son admirateur. Les mémoires de Fumiko racontent un Yeol plutôt secret, à la stature imposante, une forte tête et en même temps un poète politicien qui se décrit comme un chien. On sait que tout en préparant des études pour devenir enseignant, il a participé à l'insurrection du 1er mars 1919 contre la colonisation impérialiste japonaise de la Corée. Et qu'il est ensuite parti pour le Japon à la fois pour éviter les poursuites policières et pour étudier les théories anarchistes (morale de l'entraide, autogestion, abolition du salariat et de l'Etat, etc) auprès des groupes révolutionnaires japonais et coréens qui pullulaient à Tokyo à l'époque. Habile stratège, il saura manupuler les médias et les autorités nippones pour promouvoir ses idées au niveau international.


*Une tragédie intérieure

Ce que Lee Je-hoon parvient à suggérer, grâce à l'intuition de Lee Joon-ik, c'est l'évolution intérieure du personnage de Park Yeol dans ces moments historiques. Plusieurs longs travellings inattendus sur la nuque de Park Yeol, tandis que Fumiko parle, évoquent cette cogitation nouvelle en lui. Ces meilleurs moments formels du film – qui en manque par ailleurs – suggère que le jeune Coréen évolue sous la poussée du caractère et de la parole de Fumiko. Cette dernière se rebelle non seulement contre la colonisation mais aussi contre son pays et la condition servile des femmes. En tant que Japonaise, elle aurait même pu ne pas être prise dans les rafles de la répression anti-coréenne lors du tremblement de terre du Kanto en 1923. Lorsque la peine de mort est commuée en prison à vie, Park Yeol l'a-t-il refusé comme Fumiko qui déchira le message impérial ? Et que s'est-il passé dans la tête du Coréen durant ces 20 ans de prison sachant que son amie japonaise était morte ? Comment s'est passée sa vie après sa libération en 1945 et ensuite son passage au Nord alors que Fumiko et lui avaient critiqué les communistes et que ces derniers ont éliminé les figures proéminentes du mouvement anarchiste (Kim Jwa-jin, le Makhno coréen, par exemple) ? Si Fumiko Kaneko, en étant assassinée en prison ou en mettant fin à sa vie, a bouclé, telle une Bonnie Parker d'extrême Orient, clairement son parcours d'activiste anarchiste, le devenir de Park Yeol (mort en 1974) reste encore mystérieux. C'est ce que Lee Je-hoon et Lee Joon-ik sont parvenus, par instants, à suggérer.

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