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Le temps

La danse du temps. Il s’agit du titre d’une pièce de musique gukak contemporaine. Un titre qui va bien avec son discours musical et qui semble avoir été inventé en réaction à la conception traditionnelle du temps, celle à laquelle renvoie l’expression « la flèche du temps ».


En fait, tant que l’on conçoit le temps comme un mouvement unidirectionnel, irréversible donc, il est impossible de l’associer à la danse, car celle-ci est un ensemble de mouvements rythmiques, voire répétitifs. Celui qui parle de danse du temps penserait alors à une horloge mécanique, aux oscillations du pendule. Puis, il imaginerait le cadran comme une piste de danse sur laquelle deux danseuses extrêmement minces toutes deux, mais de taille différente, exécutent une ronde en ne cessant de se poursuivre. A peine leur arrive-t-il de s’unir, elles se séparent à nouveau pour reprendre leur jeu de poursuite ou la danse du temps.


« Non », dirait l’homme qui imagine tout cela, « le temps n’est pas linéaire, mais circulaire. » Ce serait aussi la conception du temps par des salariés citadins qui vivent leur quotidien « métro, boulot, dodo », par des paysans qui mènent leur vie au rythme des saisons et par certains musiciens qui s’amusent à répéter une mélodie simple, mais particulièrement joyeuse.


« La Danse du temps » est une œuvre marquée à la fois par la référence à la tradition musicale et par l’envie d’être dans l’air du temps, à savoir de plaire au public du XXIe siècle. « Une oscillation entre le passé et le présent », peut-on dire. Il peut s’agir de rappeler que le temps, « temps vécu » pour être précis, n’est pas unidirectionnel.


Comme elle a l’air gai, Choi Myeong-hwa, la joueuse de piri dans cette pièce de musique. Son allégresse est semblable à celle d’un enfant qui ignore encore la douleur de la conscience du temps, « l’horrible fardeau qui brise vos épaules et vous penche vers la terre » selon Baudelaire. Pour ne pas le sentir, le poète invite à s’enivrer, « de vin, de poésie ou de vertu ». Il faut y ajouter de la musique. Art du temps par excellence, la musique nous délivre du coup du « fardeau du temps », car l’irréversibilité est domptée grâce au rythme, une structure répétitive. Voilà pourquoi notre instrumentaliste, Choi Myeong-hwa, est si gaie en jouant une mélodie si simple.


L’adaptation d’une vieille pièce de musique au goût moderne est aussi d’une certaine manière une lutte contre le temps. Yi In-cheol, un musicien de gukak, a revisité un chant folklorique inspiré de la symbolisation, « saleum-saleum », « cri-cri » en français, pour en faire une chanson d’amour :


Saleum-saleum, pourquoi chantes-tu ?

Déplores-tu l’absence de ton amour ?


En fait, ce que nous appelons « chant des cigales » est un appel nuptial lancé par les mâles.


Une sentence qui met en garde contre le gaspillage du temps : « Un jeune est facile à vieillir ; une œuvre est difficile à accomplir. » A l’opposé de cette maxime, voici le refrain d’un vieux chant folklorique : « Profite de ta jeunesse pour le plaisir. »


Ce refrain, choquant pour un moralisateur, est repris dans une chanson du genre gukak contemporaine : « La Forêt de bambous ». Le texte imagine ce lieu comme un espace grouillant de jeunes. Autrement dit, la plante verte en permanence est associée à la jeunesse. Ne cessant de pousser tout droit verticalement, le bambou donne l’impression de défier le ciel. « Un défi au mandat céleste », pouvaient dire les anciens qui croyaient que tout est écrit là-haut, notamment la durée de vie de chacun. Rappelons que le bambou figure parmi les « shipjangsaeng », les dix symboles de la longévité. C’est effectivement une plante qui vit particulièrement longtemps.


« La forêt de jeunesse a soif », dit le texte de notre chanson. Soif de quoi ? Eh bien d’amour. Le refrain : « Profite de ta jeunesse pour le plaisir » peut ainsi s’entendre comme : « Profite de ta jeunesse pour aimer ». Pour rester vert, à savoir pour demeurer jeune, il faut la pluie d’amour incessante. L’Eros peut suspendre le vol du temps, et ce aussi longtemps qu’on est amoureux.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « La Danse du temps  » avec Choi Myeong-hwa au piri.

2. « Saleum » chanté par Yi In-cheol.

3. « La Forêt de bambous » chanté par Jang Myeong-seo.

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