Aller au menu Aller à la page
Go Top
Une arme de séduction
Que c’est agréable pour les nobles de la dynastie Joseon de passer un moment en compagnie de gisaeng, les courtisanes ayant comme rôle d’animer une réunion mondaine ! Certaines d’entre elles les charment par leur beauté exceptionnelle ; d’autres grâce à leur talent artistique en matière de chant et/ou de jeu d’instruments de musique. Une gisaeng belle, excellente chanteuse ou joueuse de gayageum par exemple et de surcroît cultivée, est tout simplement adorable.

Imaginez en une comme celle-là. Elle va chanter. Pas une chanson populaire, ni un chant lyrique. En réalité, elle va réciter de façon mélodieuse un extrait d’un texte classique, un canon confucéen, la chronique de la fondation de Joseon ou encore « Chu shi biao », la célèbre lettre du chancelier chinois Zhuge Liang à son empereur. Les nobles, qui l’écoutent et qui connaissent parfaitement bien ce genre de texte, ont l’air à la fois ravi et admiratif. Il se peut cependant que cette gisaeng ne soit pas en réalité si cultivée et qu’elle n’ait mémorisé que ces extraits. Bref, il peut s’agir d’une arme de séduction qu’elle a aiguisée avec beaucoup d’efforts et de patience.

Alors que cette forme de chant ne nous est connue que de nom, « songseo », « récitation du livre », voici le texte d’une mélodie relativement récente qui en est dérivée :

Elle a été réveillée par un bruit métallique, le sifflement du vent annonçant l’hiver. Elle entrouvre la fenêtre à carreaux en bambou et regarde avec désolation des nuages se déchirer...

Ce n’est bien sûr pas du tout un extrait d’un livre classique, mais d’un roman populaire, « L’Histoire de Chaebong », un bestseller au début des années 1910. La noblesse n’existe plus depuis l’abolition des privilèges par la réforme de 1894. Les gisaeng, qui, elles aussi, vont bientôt disparaître, tiennent compagnie à quelques anciens nobles nostalgiques du passé, mais surtout aux bourgeois aisés. Ceux-ci imitent en quelque sorte les mœurs de l’aristocratie, sans pour autant partager le noble goût de l’ancienne classe dirigeante. Les gisaeng s’adaptent à leur nouvelle clientèle. D’où ce nouveau type de « songseo » avec comme texte à réciter mélodieusement, non pas un livre édifiant, mais un ouvrage romanesque tout simplement divertissant.

En tant qu’arme de séduction, il produit autant d’effet sur la clientèle bourgeoise que le « songseo » authentique le faisait dans une réunion mondaine d’autrefois. Une gisaeng, qui chante admirablement « L’Histoire de Chaebong », par exemple, s’identifie à l’héroïne de ce roman sentimental qui regrette son fiancé. Quant à son client, il peut avoir l’impression d’être l’homme qui manque à celle-ci. Et du coup, pourquoi pas, il peut adorer celle qui l’incarne par le chant.

Mais une belle rencontre entre une gisaeng et un client peut plutôt être celle qui est liée à ce chant :

Une rivière automnale sillonne en solitaire
Sous l’eau glaciale, même les poissons gèlent
Un vieillard monté dans un pavillon fouetté par le vent
Se souvient de ses années en fleur et appuyé sur sa canne
Suit du regard des mouettes qui s’éloignent

Le texte, un poème, est attribué à un certain Shin Kwang-su, un homme de lettres du XIXe siècle et un grand amateur de voyage. Il parcourt le pays pour s’inspirer de beaux paysages et aussi de belles gisaeng. Le voici à Pyongyang, une ville réputée pour ses courtisanes séductrices, certaines par leur coquetterie, d’autres par leur talent artistique. Une gisaeng du nom de Moran, admirée pour sa belle voix, tient compagnie à notre poète voyageur. Pour lui faire plaisir, elle accepte de chanter une chanson. Dès qu’elle l’entonne, le visage de son client rayonne d’une immense joie mêlée d’étonnement. « Une rivière automnale sillonne en solitaire... » C’est son poème. La dame de compagnie savait-elle qu’elle avait affaire à l’auteur ? Certainement pas. Peut-on imaginer un client d’un établissement comme une maison de gisaeng se présentant à la femme qui l’accueille ?

Liste des mélodies de la semaine
1. « Chat d’adieu automnal » chanté par Oh Bok-nyeo.
2. « Une rivière automnale... » chanté par Yi Hyun-ah avec Park Ji-seon au danso.
3. « Une rivière automnale » en version moderne chanté par Choi yun-young avec Shin Hee-jun à la guitare.

Contenus recommandés

Close

Notre site utilise des cookies et d'autres techniques pour offrir une meilleure qualité de services. En continuant à visiter le site, vous acceptez l'usage de ces techniques et notre politique. Voir en détail >