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La solitude
La solitude est souvent inspiratrice d’un poème ou d’un chant. En voici un exemple. A la veille d’une bataille navale, un amiral de la dynastie Joseon se sent terriblement seul devant une lourde responsabilité :

Au clair de la lune sur l’île de Hansan
Seul dans la tour de guet le sabre à la ceinture
Je pousse un grand soupir
Lorsqu’un chant barbare lointain me rend résolu

Il s’agit du poème de l’amiral Yi Sun-sin, héros de la guerre coréano-japonaise de la fin du XVIe siècle. Pour sauver sa patrie face aux envahisseurs, il lui fallait battre la flotte ennemie numériquement plus puissante que la sienne. Il y parvint grâce à sa tactique, mais aussi à sa grande détermination. Peut-on dire que celle-ci a été renforcée par son poème ? Pourquoi pas ? Rappelons qu’un chant militaire remonte le moral des soldats.

Alors que notre amiral angoissé pouvait toutefois compter sur ses hommes bien entraînés, voici un ramasseur de bois encerclé par une forêt et qui, lui, ne pouvait compter que sur la force de ses jambes pour s’en sortir. Terrifié par la solitude et pour s’encourager, il fait appel lui aussi à un chant.

Portant sur son dos un énorme tas de fagots au moyen d’un « jige », une sorte de hotte, avançant péniblement à cause de la charge accablante, il entonne :

Hé ! Le passant invisible ! Regardez-moi
Vous voyez comme je suis maigre
Avez-vous jamais vu une montagne sur une aiguille
J’ai par ailleurs faim et soif
Mon ventre et mon dos sont collés
Mon gosier est comme un canal desséché

Il se plaint de son état et aussi probablement de son métier. Ce n’est certainement pas avec plaisir qu’il aurait accepté de devenir ramasseur de bois, un métier pénible et obligeant à travailler dans la solitude. En fait, on imagine difficilement des ramasseurs de bois en groupe. Pour optimiser le bilan de leur travail, il leur faut aller toujours plus loin que les autres, à la recherche d’une forêt vierge. Ils s’éloignent aussi les uns des autres pour éviter la rivalité, voire la dispute.

Or, chacun le sait, pour se consoler de son triste sort via des plaintes, on a besoin de quelqu’un qui les écoute, tout comme il faut le regard d’autrui, admiratif ou envieux, pour s’enorgueillir d’être né sous une bonne étoile. Voilà pourquoi notre ramasseur de bois a imaginé un passant invisible. Sans personne qui prête l’oreille à ce qu’il raconte, un infortuné tout comme un vaniteux éprouverait une grande solitude.

Le « Chant de Bongdeok », une autre chanson semblant avoir été inspirée par la solitude, est attribuée à une veuve qui parcourait le pays à la recherche de sa fille ayant fugué. On imagine qu’elle interpelle les gens sur son chemin pour se renseigner. Elle aurait aussi profité de l’occasion pour raconter son infortune. C’est ce qui constitue effectivement le texte de cette chanson. Et comme il arrive souvent à une personne qui se plaint de son sort devant un inconnu, la veuve commence par se présenter :

J’ai 39 ans
Ma fille Bongdeok 29 ans

Quoiqu’en général, on n’aime pas écouter l’histoire de la vie privée, certains se seraient intéressés à l’écart d’âge entre la mère et la fille. La veuve aurait-elle alors eu son enfant à l’âge de 10 ans ? C’est absurde 

Le « Chant de Bongdeok » a plusieurs versions. Et dans certaines d’entre elles, la fille est même plus âgée que sa mère :

J’ai 29 ans
Ma fille Bongdeok 39 ans

Accablée par les malheurs, la veuve n’était-elle plus dans son état normal ? Mais, pourquoi pas ? Il pouvait s’agir de provoquer la curiosité, d’attirer l’attention sur son histoire. Un effort désespéré pour retenir les gens auprès d’elle, pour vaincre sa solitude.

Liste des mélodies de la semaine
1. « Chant du ramasseur de bois » interprété par Shin Eui-geun.
2. « Chant de Bongdeok » interprété par Yi Gwang-young.
3. « A la recherche de Bongdeok » chanté par Kim Dong-geun.

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