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Les amoureux de « pungryu »
« Il ignore le pungryu », lâche avec dédain un aristocrate de la dynastie Joseon. Qui ? Et qu’est-ce que le « pungryu » ? L’homme dont il parle est également un noble ayant reçu une charge. Mais à la différence de celui qui le méprise, ce dignitaire est complètement absorbé par ses fonctions au point de ne pas disposer d’un instant pour lui-même. Travailleur infatigable, il mène aussi une vie sobre, presque austère. L’autre noble, de son côté, est aussi passionné pour l’art, la poésie et la musique que pour les affaires d’Etat. Il se retrouve souvent avec ses amis pour partager leur passion commune, parfois en compagnie de « kisaeng », les demi-mondaines de Joseon. A ses yeux, son collègue ignore donc le « pungryu », tout comme les gens du peuple forcés d’être aussi travailleurs que lui.

Le « pungryu », un mot désuet de la langue coréenne aujourd’hui, est composé de deux caractères chinois : « pung », le « vent », et « ryu », le « débit ». L’idée implicite derrière l’addition de ces deux sinogrammes est la fluidité. Les amateurs de « punryu » apprécient effectivement quelque chose de coulant : le vin qui coule à flot, les jolis mots des « kisaeng », parfois poétiques, qui semblent s’écouler d’une source d’inspiration intarissable, et, bien sûr, la musique qui coule et soûle autant que le vin et le gazouillement des demi-mondaines enjouées.

Au fil du temps, le mot « pungryu » entendu comme « bon goût » ou « goût artistique » a pris un autre sens. Il désigne aussi un genre de musique : la musique de chambre aristocratique. Le terme est précédé d’un préfixe, « jul », quand il s’agit d’un concerto pour cordophone, et de « dae » pour désigner une mélodie composée pour les instruments à vent. Le mot « jul » désigne la corde. Quant au « dae », homophone de l’adjectif « grand », cela signifie « bambou ». La plupart des aérophones coréens sont en effet fabriqués avec la tige de cette plante.

Une des mélodies du genre « pungryu » les plus jouées à l’époque de Joseon est « Yongsanhoesang », une suite d’origine bouddhiste composée de neuf pièces instrumentales. Ce n’est bien sûr pas une musique de recueillement, mais de réjouissance exprimant l’immense joie au moment de l’illumination. Les nobles, amateurs de « pungryu » au sens premier du terme, ne se réunissent bien sûr pas pour une méditation collective, mais bien pour se divertir.

Pour les amuser encore davantage, il arrive à l’orchestre de combiner de différentes façons les neuf pièces composant la « Yongsanhoesang », parfois en supprimant certaines d’entre elles. Tout cela sous l’égide du joueur du geomungo, l’instrument de musique le plus apprécié par les aristocrates de Joseon pour sa sonorité profonde.

Durant la période de Joseon, la musique « pungryu » s’est développée : elle n’était désormais plus seulement jouée dans une chambre, mais aussi en plein air. Une des compositions musicales destinées à cette fin est « Samhyunyukgak ». Alors que cela veut dire littéralement « trois cordophones et six aérophones », les percussions y ont aussi leur place.

Imaginez une puissante famille de Joseon qui fête le « hwangap », le 60e anniversaire de l’un des siens. Un événement heureux et exceptionnel, d’autant que l’espérance de vie de l’époque est bien en-dessous de cet âge. Tout le monde est le bienvenu à cette fête joyeuse qui se déroule dans la cour de la maison. Elle est également l’occasion, pour la famille organisatrice, de montrer de façon ostentatoire sa puissance et son prestige. Et là, se joue immanquablement « Samhyunyukgak », une musique puissante.

Imaginez cette fois une compétition ayant réuni des nobles amateurs de tir à l’arc. Rappelons que ce sport de précision et de concentration fait partie des « six arts » sur lesquels Confucius, le maître de l’aristocratie de Joseon, s’est appuyé pour former les bases de la formation d’un « junzi », en français « gentilhomme ». Une flèche tirée par l’un des nobles en compétition fait mouche. D’un coup, retentit alors un morceau de « Samhyunyukgak ». En effet, la musique suit partout les amateurs de « pungryu ».

Liste des mélodies de la semaine
1. « Chunnyeonmanse » chanté par Ha Ri-su, Kum Sang-eyon et Hong Seok-bok.
2. «Yongsanhoesang » joué par l’orchestre Jungdong.
3. « Samhyunyukgak » interprété par Kim Jeom-seok.

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