Le film « The Medium » de Pisanthanakun est une production de Na Hong-jin, célèbre réalisateur de « The Chaser » avec Showbox et Lotte. Innovant dans le marketing, comme Harvey Weinstein qui recommandait aux spectateurs de ne pas raconter la surprise de ses films à leurs camarades consommateurs, pour « The Medium », on dit qu'il faut utiliser les bouches-oreilles de Lotte pour voir le film, et garder lumière allumée lors de sa projection. Alors faisons toute la lumière sur ce film, plein d'esprits frappeurs et de références au cinéma de genre.

* Esprit es-tu là ?

Eh oui, en Thaïlande aussi, les esprits hantent les bidonvilles et les salles de cinéma. Jugez-en par l'histoire (officiellement rédigée par Na Hong-jin lui-même). L'intrigue, on l'aura deviné, tourne autour d'une shamane nommée Nim qui interfère (c'est la définition du médium) avec les dieux du bled où elle vit – la région d'Isan - et ses habitants pour le moins superstitieux. Elle a hérité de son pouvoir de sa sœur qui, elle, a refusé de reprendre les rênes du bizness familial. Là intervient la nièce, car c'est une histoire de famille et d'esprits ou d'esprits de famille, comme on veut. La nièce, donc, est aussi possédée mais pas par le gentil dieu des montagnes mais par qui, alors ? Gros mystère à tous les étages, donc.

* Remake de The Wailing avorté

On avait évoqué un remake de « The Wailing » en Thaïlande, pays producteur de nombreux films d'horreur dont le célèbre « Ong-Bak » en 2003. Il est probable que « The Medium » en soit le bébé illégitime. La grande différence, autre que celle du lieu – la forêt humide de Thaïlande – , vient du style « foundfootage » ou faux reportage de la seconde partie du film. Ce style visuel issu des films d'horreurs des années 1970 a connu un renouveau avec les célèbres « Blairwitch Project » et le série des « Rec » espagnols. Au niveau des significations du film, une différence est claire entre « The Wailing » de Na Hong-jin et « The Medium » de Pisanthanakun : le premier s'inscrit plutôt dans une soft croyance aux esprits et une horreur graphique limitée pour convenir aux normes commerciales et à celles de la censure sud-coréenne ; le second n'y croit pas du tout, et veut tout orienter vers le gore à la manière des Espagnols. L'horreur n'est plus l'assignation au respect des traditions ancestrales, mais la métaphore d'un monde bien actuel où les médias aseptisent les massacres et les plus graves misères. C'est là où le « foundfootage » prend tout son sens de médium : une parodie cynique des médias. Ce qui tombe bien puisque le film s'intitule « The Medium », qui n'est pas celui qu'on croit, donc.

* Banjong Pisanthanakun

Na Hong-jin aurait directement sollicité Banjong Pisanthanakun pour réaliser le film.  Mais pourquoi lui ? En fait, le Thaïlandais est un cinéaste culte sur le retour. En effet, il a réalisé les célèbres films d'horreur « Shutter » en 2004 et « Alone » en 2007. le premier est une variation sur le film « Ring » avec, notamment, l'altération de photographies. Sélectionné dans tous les festivals de films d'horreur, il a été un énorme succès dans la petite économie décadente du cinéma thaï. Dans le second, l'intrigue commence en Corée du Sud à Séoul – d'où des liens déjà importants entre le cinéaste et le pays du Matin clair. Cette histoire de jumelles siamoises et de fantômes a connu aussi un certain succès. Devenu un cinéaste bankable dans son pays, Pisanthanakun a ensuite déclaré se détourner des films d'horreur pour se lancer dans la romance et la comédie. Mal lui en prit car ses films suivants ne furent pas à la hauteur.

Mais il n'en a pas quitté la Corée du Sud pour autant car sa comédie « Hello Stranger » se déroule en partie à Séoul comme une mixture de K-drama à la mode en Thaïlande et de romance locale. Avec la comédie-romantico-fantastique « Pee Mak » et son casting trois étoiles locales, il fait exploser le box office thaï. Ce sont donc deux cinéastes commercialement très bankables qui se sont associés pour rafler et doubler la mise avec « The Medium ».