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Le Transperceneige : Bong Joon-ho ou Park Chan-wook ?

2013-08-14

Séoul au jour le jour

Le film « Snowpiercer » ou « Le Transperceneige » signé Bong Joon-ho est finalement sorti sur les écrans sud-coréens. Longtemps retardé, l'adaptation de la célèbre BD française est au rendez-vous des comparaisons critiques qui ne vont pas manquer. Mais le plus inattendu, la vraie surprise, vient de la présence très forte des idées et du style de Park Chan-wook, réalisateur de « Old Boy » et co-producteur du « Transperceneige ».


*Une lecture diachronique des 3 volumes

La BD du « Transperceneige » comprend trois volumes. Les scénaristes en ont fait une sorte de synthèse liant des parties parfois éloignées dans la chronologie de la BD. Un train est rempli des survivants d'un cataclysme qui a transformé la planète en désert de glace. Depuis des années, il tourne en rond sans fin ni but. Ce train devient une métaphore de la société : en tête du train, quelques riches qui imposent le système social ; en queue du train, la foule des pauvres. Un jeune héros de l'arrière décide de mener une énième révolution et de décapiter la tête du train.


*La part de Bong

On retrouve le regard de Bong Joon-ho dans sa façon de s'attarder sur les détails mais aussi sur une thématique écologiste. C'est visible, en particulier, dans l'idée de nourriture trafiquée. La critique du système éducatif entre le divertissement et le lavage de cerveau qui alimente une des meilleurs scènes du film se ressent également de la vision sociale du réalisateur. Et encore, la personnalité du héros pris entre manipulation et trahison rappelle celle des flics de « Souvenirs de meurtres ». Enfin, l'ironie de la description du monde perverti des wagons de tête est caractéristique de l'humour noir de Bong : il ne s'agit de rien d'autre que de ce qui est donné en modèle dans la société actuelle.


*La part de la BD

La mise en doute des idéologies, qu'elles soient celle des dirigeants du train ou celle des leaders révolutionnaires est une marque forte de la BD. Le film l'a conservé en l'incarnant dans le personnage joué par John Hurt (héros du film « 1984 »), vieux chef révolutionnaire suspecté de trahison. BD du début des années 1980 appartenant à la culture post-soixante-huitarde, elle porte les stigmates de l'échec de la révolution et des divisions qui s'en sont suivies dans les milieux révolutionnaires. A la place des idéologies, le système D apparaît : la vie des pauvres dans la queue du train est donc un mélange de « hippitude », de « punkitude», de « grungitude » et de monde alternatif comme on le qualifiera dans les années 1980.


*La part de Park Chan-wook

L'influence de l'univers de Park Chan-wook sur le film de Bong Joon-ho est frappante. La folie assumée des hommes masqués de noir et armés de haches, par exemple. Scène surréaliste, elle met en scène l'absurde et la violence qui en découle comme souvent dans les films de Park. Ensuite, vient la petite héroïne coréenne qui possède des dons de voyance. Typique du crypto-chamanisme des films de Park, elle introduit une dimension surnaturelle au film qui sera confirmée par le final avec la rencontre d'une nature mythique. Enfin, le tiermondisme de Park Chan-wook se ressent dans le choix des deux enfants, l'un Africain, l'autre Asiatique, comme survivants et devenir du nouveau monde. Les blancs se voient refuser la postérité et le héros, blanc lui-aussi, n'a de choix que dans son sacrifice motivé par ses erreurs passées.


*Critique

La critique de la société de classe est très claire. Bong et Park ont saisi cette dimension de la BD et l'ont renforcé en y introduisant une dimension internationale (tiermondisme) et collective. L'écologie, quant à elle, est transformée en quête mystique d'une présence surnaturelle crypto-chamanique. Les fans de la BD auront sûrement beaucoup à redire sur cette adaptation qui n'évite pas toujours de se contenter d'être une succession de scènes frôlant parfois l'incohérence – plusieurs palimpsestes de différents développements inaboutis du film restent des mystères irrésolus dans cette version - privant les personnages de profondeurs et d'émotions à partager.


La sortie dans les salles françaises est prévue pour le 30 octobre 2013.

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