Boeun, une commune dans la province de Chungchung du Nord, est connu surtout pour son massif montagneux, le mont Sokri, une des plus belles montagnes en Corée du Sud. Cette montagne, à un peu plus de 1 000 m d’altitude, abrite le temple bouddhiste Beopju-sa célèbre pour sa pagode en bois, l’unique dans le pays. En effet, les autres pagodes en Corée sont toutes en pierre. La montagne aussi bien que le temple sont très visités par les touristes, surtout en automne quand les feuilles d’arbre, notamment d’érable, changent de couleur.

Pour en venir au nom de cette commune, Boeun en caractères chinois signifie la « récompense des bienfaits ». Et il y a une légende concernant ce nom, dont le personnage principal est un roi de la dynastie Joseon, Sejo qui a régné de 1455 à 1468.

Sejo est un usurpateur du trône, le seul dans l’histoire du Joseon. Il a détrôné Danjong, son neveu de 14 ans, l’a envoyé en exil et lui a finalement donné la mort. Cet assassinat pesait sans doute lourd sur sa conscience. Une nuit, il voit dans son rêve la mère du roi assassiné. Elle était morte longtemps avant que son fils ne monte sur le trône. Elle dit à Sejo : « C’était un enfant. Comme tu as été cruel ! » Puis, elle jure d’obtenir vengeance. Quelques jours plus tard, le fils aîné de Sejo meurt. C’était un prince de santé fragile et souvent malade. Mais le roi associe cette mort à son rêve. Vengeance contre vengeance, il profane la tombe de la mère de Danjong, celle d’une reine donc. Sejo a vengé à sa manière la mort de son fils. Mais il n’a pas la conscience tranquille. Il revoit ainsi dans son rêve la mère de Danjong. Celle-ci, sans rien dire, le regarde fixement, puis crache sur son visage et disparaît. Le lendemain matin, le roi s’aperçoit qu’il a le visage plein de boutons. La tumeur gagne bientôt tout son corps.

Comme aucun médecin ne parvient à soigner sa maladie de peau, le roi décide de faire appel au bouddha. Il fait le pèlerinage des temples les plus sacrés dans le pays, dont le Beopju-sa dans l’actuelle commune de Boeun. Et c’est dans ce temple justement, « pour s’être lavé, avant de prier, dans un ruisseau traversant son jardin », précise la légende, qu’il guérit de sa maladie. Sejo jure de récompenser les bienfaits du bouddha et baptise Boeun le lieu où se trouve le Beopju-sa.



Or, cette histoire est une pure invention, quoiqu’elle soit amusante. Le lieu en question s’appelait Boeun bien avant le règne de Sejo, depuis 1406 plus exactement. Et avant, ce lieu n’avait-il pas de nom ? Si. Comment s’appelait-il alors ? C’est toute une histoire, celle qui est moins connue que l’autre, parce qu’elle est moins amusante.

L’histoire remonte au 5ème siècle, à l’époque des Trois royaumes donc. En 470, le royaume de Silla, pour renforcer sa frontière avec le Baekjae, un royaume à l’ouest, construit une forteresse dans le mont Sokri, donc à Boeun à l’heure actuelle. Ce fort est baptisé Samnyeon pour la raison toute simple que les travaux ont duré trois ans, « samnyeon » en coréen. En 742, autour de cette forteresse, se forme une commune du Silla qui, entre temps, a unifié la péninsule coréenne. Et elle porte le nom de la forteresse, Samnyeon donc. Au début du 10ème siècle, la péninsule coréenne change de maître. Le Goryeo vient de succéder au Silla. Du coup, la commune Samneyon change de nom. Elle s’appelle Boryeong, qui signifie « l’âge d’être protégé », un nom inventé sans doute suite à une interprétation de « samnyeon ». Un enfant de trois ans a effectivement besoin de protection.

Nous voici maintenant au début du 15ème siècle. La péninsule coréenne vient encore de changer de maître. Nous sommes soue le règne du Joseon. En 1406, sous le règne de Taejong, le grand-père de Sejo, à qui le Joseon doit la base de ses institutions, le gouvernement révise les divisions territoriales administrées et remarque qu’à une centaine de kilomètres à l’ouest de Boryeong, il y a une commune qui porte le même nom. Pour éviter la confusion, celle-là change de nom et s’appelle désormais Boeun. Mais pourquoi c’est elle, et non l’autre, qui a changé de nom ? Et pourquoi un tel nom a-t-il été choisi ? Ces questions restent sans réponse. Et c’est peut-être ce qui a donné lieu à la naissance de la légende concernant le nom Boeun.