Dans plusieurs villes sud-coréennes et probablement aussi nord-coréennes, il y a un quartier qui s’appelle Hyojadong. Il y en a un par exemple, à Séoul, à Jeonju, à Chuncheon ou encore à Pohang, des villes qui sont éloignées les unes des autres. Cela s’explique par la tradition confucianiste en Corée, et notamment par l’importance de la valeur du « hyo », la « piété filiale », pour les Coréens. En effet, le nom du quartier Hyoja, comme le « dong » désigne tout simplement le « quartier », signifie « l’enfant dévoué à ses parents ». Chacun de ces quartiers, qui s’appellent Hyojadong, a son histoire moralisante qui est à l’origine de son nom. Celle de Hyojadong de Séoul est sans doute la plus extraordinaire.

Dans ce quartier, non loin duquel se trouve aujourd’hui la Maison bleue, la résidence officielle des présidents de la république, habitait un couple avec les parents du mari. Ils étaient donc 4, puisque les conjoints n’avaient pas d’enfant, bien que mariés depuis plus de 10 ans. Et c’était justement le principal souci de la famille, d’autant que le mari était l’enfant unique. La mère de celui-ci allait alors tous les matins, même sous la pluie ou la neige, au mont Bukak à proximité pour prier l’esprit saint de donner un enfant, un fils pour le mieux, au couple. Et au bout de 2 ans, la vieille femme mourut, probablement à cause de la fatigue de son déplacement quotidien et du souci qui rongeait son cœur. La famille a donc été réduite à 3. Le couple et le vieil homme devenu veuf souhaitaient encore davantage un enfant qui pourrait animer la maison. Est-ce l’effet tardif de la prière de la défunte femme ? Cet enfant tant attendu est enfin né. Quelle joie et quel bonheur pour sa famille !

Les époux sont dévoués à leur cher enfant. Et avec autant de dévouement, ils s’occupent aussi de leur vieux père. Ce sont donc un « hyoja », un « fils dévoué à ses parents », et une « hyobu », une « belle-fille dévouée à ses beaux-parents ».

Un jour d’hiver, ils doivent s’absenter toute la journée de la maison, car ils sont invités à une fête chez leur ami qui habite dans une ville voisine. Ils ne peuvent pas y emmener leur enfant encore bébé, ni leur vieux père. Celui-ci se montre compréhensif. « Allez-y, je m’occuperai de mon petit-fils », dit-il. Le couple a l’air confus. Mais il accepte finalement la proposition du vieux bonhomme. Pour que celui-ci délaissé ne s’ennuie pas, sa belle-fille prépare une table garnie de vin et de petits plats.

Laissé seul à la maison avec son petit-fils, le vieil homme commence effectivement à s’ennuyer. Il boit et mange depuis un moment, lorsqu’il entend pleurer le bébé dans l’autre chambre. Il va voir ce qui s’est passé. Ce n’est rien. Le bébé a uriné. Son grand-père lui change alors sa couche et le recouvre de sa couverture. Mais là, sous l’effet d’alcool sans doute, il l’a couvert jusque la tête. Le bébé risque donc d’être asphyxié.

La mère, inquiète pour son bébé et aussi pour le vieil homme, a quitté la fête en cours et est revenue à la maison. Son beau-père, enivré, dort dans sa chambre. Et le bébé ? La femme est stupéfaite. Elle trouve son enfant complètement couverte. Elle enlève la couverture. Le bébé ne respire plus. Toute autre femme qu’elle aurait crié et réveillé son beau-père dont elle est sûre que c’est lui qui est responsable de ce malheureux accident. Mais notre brave femme se retient, pour ne pas affliger justement le pauvre vieil homme, et attend le retour de son mari.

Le mari, revenu à la maison en ayant quitté lui aussi la fête avant la fin à cause de la même inquiétude, est bien sûr stupéfait. Il ne fait que regarder son bébé sans souffle. Puis, brusquement, il le gronde en le giflant : « A cause de toi, mon cher père aura donc le cœur brisé ! » Or, le choc réveille l’enfant resté inanimé. Il n’était donc pas mort. Est-ce une histoire vraie ou inventée ? En tous cas, c’est celle qui explique l’origine du nom du quartier Hyojadong, de Séoul plus exactement.