Où se trouve ce marché aux puces ? Non loin de Dongdae-mun, la Porte de l’Est, l’une des quatre anciennes portes de Séoul qui était autrefois une ville fortifiée. Il doit son nom à un vestige historique à proximité, le Dong-kwanwang-myeo qu’on appelle couramment Dongmyeo. C’est un temple du 16ème siècle consacré au culte de Kwanwang ou Kwanyu, un célèbre généralissime chinois du 3ème siècle avant J.C. déifié en Dieu de la Guerre et vénéré, non seulement dans son pays, mais aussi dans certains autres pays d’Asie, dont la Corée. A l’époque de la dynastie Joseon, il existait deux autres temples dédiés au même personnage, le Seomyeo et le Nammyeo, à l’ouest et au sud de Séoul. Ils ont tous les deux disparu, alors que le Dongmyeo est toujours là.
Que peut-on faire avec 1 euro, soit environ 1 500 wons en monnaie sud-coréenne ? Au marché aux puces Dongmyeo, on peut acheter un vêtement, d’occasion bien sûr. Si on a de la chance ou si on cherche bien, on peut même en trouver un qui n’a jamais été porté. Autour d’un marchand d’habits installé dans ce marché, il y a donc tout le temps une foule. D’où viennent ces vêtements qui se vendent si bon marché ? Le marchand aurait fait le tour des grandes résidences collectives pour ramasser des vêtements en bon état, presque neufs pour certains, que les gens avaient jetés, parce que leurs coupes ou leurs couleurs ne leur plaisaient plus ou tout simplement parce qu’ils n’étaient plus à la mode. En effet, dans l’armoire d’un sud-Coréen et surtout d’une sud-Coréenne, qui se plaint « Je n’ai rien à mettre pour sortir », il y a pourtant souvent un tas de vêtement qu’il ou elle n’aime plus tout simplement.
Avec un euro, on peut aussi prendre un repas sur le marché aux puces Dongmyeo. Le « jajangmyeon » par exemple, des nouilles à la sauce chinoise, que beaucoup de sud-Coréens adorent depuis toujours, ne coûte que 1 500 wons. Avec quelques centimes de plus, pour 2 000 wons, on peut manger le « tangsuyuk », le porc sauté ou le « kongnamul-bap », le riz aux germes de soja. Tous ces plats seraient trois fois plus chers ailleurs que dans les petits restaurants du marché aux puces Dongmyeo. Autrement dit, ces restaurateurs n’ont pas révisé à la hausse les prix de leurs plats depuis plus de 10 ans. Certains clients auraient l’impression que le temps s’est arrêté ici.
Le marché aux puces Dongmyeo est en effet très prisé par les gens qui crieraient comme le poète français Lamartine « O temps, suspends ton vol ! », les gens d’un certain âge ou vieux et nostalgiques du passé, car ils y trouvent des brocanteurs qui vendent de vieux objets qui leur rappellent le temps où ils profitaient de leur jeunesse. Les premiers modèles de radiocassette portable qu’ils apportaient quand ils partaient en pique-nique entre amis, de vieux tourne-disques, de vieux films en cassette vidéo, des magazines avec sur la couverture la photo d’une ancienne star du cinéma ou de chanson populaire... Tous ces vieux objets ne sont bons bien sûr que pour les collectionneurs ou les nostalgiques.
A l’ouest de Séoul, il y a le fameux quartier de Hongdae-ap, un quartier des jeunes. De l’autre côté de cette ville, à l’est, il y a le marché aux puces Dongmyeo, l’un des rares lieux à Séoul où les gens, qui ne sont plus jeunes, ont l’impression de se retrouver dans un espace à eux...