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Culture

La poésie (8) – Ki Hyongdo (1)

2017-06-21

La poésie (8) – Ki Hyongdo (1)
« Une feuille noire dans la bouche », recueil de textes de Ki Hyongdo traduits par Ju Hyounjin et Claude Mouchard, paru aux éditions Circé en 2012.

* Présentation du poète :
Kim Hyongdo est un poète coréen qui a eu une existence brève. Il a laissé un seul recueil de poèmes intitulé « Une feuille noire dans la bouche » traduit et publié en France en 2012.
Et voici le quatrième de couverture de l’édition française du recueil « Une feuille noire dans la bouche » :
« Ki Hyongdo, né en 1960, est mort brutalement en 1989.
Le recueil de ses poèmes, dont il n’avait pas eu le temps d’achever la préparation, fut publié par le critique Kim Hyon sous le titre Une feuille noire dans la bouche. Ainsi son seul livre fut-il posthume.
Dans une note de 1988, Ki Hyongdo (qui avait fait des études de politique et de diplomatie à l’université Yonsei de Séoul et qui travaillait dans le journal Chung-ang Ilbo) évoque sa difficulté à composer des poèmes : ‘Il y eut un temps où j’étais incapable d’écrire durablement. Il faisait mauvais temps sur cette terre, et je ne pouvais le supporter.’
Ces poèmes, dès leur publication, trouvèrent un vaste écho, chez les jeunes en particulier, et ils continuent d’être fort présents pour les poètes coréens d’aujourd’hui.
A nous, lecteurs lointains, cette poésie dit quelque chose de la Corée des années 80 et du ‘mauvais temps’ qui y régnait alors, mais aussi, plus largement, de tout le vingtième siècle, si violent, en Corée.
Cependant, tendue et âpre – jusqu’à ce ‘réalisme grotesque’ dont parle Kim Hyon –, la voix de Ki Hyongdo peut se révéler, soudain, pleine d’une douceur inattendue : elle est alors, simplement, bouleversante. »

* Poème
Une feuille noire dans la bouche

le chauffeur de taxi sort la tête par-dessus la vitre opaque et
pousse parfois des cris, à chaque fois des oiseaux s’envolent
ici je passe pour la première fois dans la plaine et dans le crépuscule
je pense à lui, que je n’ai jamais rencontré

quand l’événement a éclaté, j’étais au fond d’une province
au fond d’une chambre poussiéreuse je lisais des livres
quand j’ouvrais la porte, le brouillard était épais dans la plaine
cet été-là, la terre traînait des livres et des feuilles noires
dès qu’un vêtement plié était déplié, de la fumée blanche s’échappait
il a écrit que le silence convenait aux domestiques
son visage, je ne l’ai vu qu’une fois
sur un journal je le voyais baisser un peu la tête
puis l’événement éclata, il mourut peu après

ses funérailles sous une violente tempête furent totalement luisantes
la voiture transportant sa dépouille avançait avec une insupportable lenteur
les gens s’acharnaient à suivre le cortège funèbre
des feuilles noires en flottant emplissaient la voiture blanche
ma langue s’est peu à peu durcie, son jeune fils
qui ne supportait pas l’encerclement par des feuilles a fondu en larmes
cet été-là, beaucoup de gens ont disparu en masse
beaucoup sont brusquement apparus devant le silence d’un homme étonné
la langue du mort débordait dans la rue
le chauffeur de taxi parfois se retourne
à ce chauffeur je ne peux faire confiance, pâle de terreur
je balbutie lui, c’est un mort
à cause de lui, combien de funérailles ont dû rester dissimulées
alors, qui est-il, où vais-je
je ne dois pas éviter de répondre, nul ne sait où
un pareil événement pourra éclater encore, n’importe où
pour une province proche, il faut que je parte
ici je passe pour la première fois dans la plaine et dans le crépuscule
j’ai peur de la feuille noire qui tenacement s’attache à ma bouche

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