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Culture

La poésie (9) – Moon Chung-hee (2)

2017-07-25

La poésie (9) – Moon Chung-hee (2)
« Celle qui mangeait le riz froid », recueil de poèmes de Moon Chung-hee traduits par Kim Hyun-ja avec la collaboration de Michel Collot, paru aux éditions Bruno Doucey en 2012.

* Présentation de la poétesse :
Moon Chung-hee est née dans un petit village au sud de la péninsule coréenne juste après la libération de l'occupation colonialiste japonaise. Lorsque la guerre fratricide de Corée a éclaté, elle avait trois ans. Dans la postface du recueil Celle qui mangeait le riz froid, la poétesse évoque son enfance :
« Dans mon enfance, je jouais avec des grenades et des douilles vides, vestiges de la guerre. Je voyais partout les misères et les blessures.
Mon père, grand propriétaire terrien et rationaliste, m'a offert heureusement la meilleure éducation bien que je sois née fille.
Lorsque j'avais huit ans, ma grand-mère est décédée. Pour la première fois depuis ma naissance, j'ai pris conscience que nous mourons. Les rites des funérailles ont duré huit jours et j'ai vu pour la première fois une pleureuse. De nos jours, le métier de pleureuse n'existe plus en Corée. La pleureuse était une sorte de chamane, c'était une spécialiste qui pleurait à la place de la famille d'un défunt.
Les pleurs de cette femme étaient si tristes que j'ai pleuré moi aussi avec tous les villageois. Je m'en souviens encore très bien. Depuis, je me suis demandé si cette pleureuse ne serait pas aussi poète. La pleureuse exhalait la tristesse des gens à leur place. J'ai même pensé que cette personne, en pleurant la tristesse et la souffrance des gens à leur place, atteignait un état divin par la force de ses pleurs. »

* Poèmes

Une pleureuse

La mère d'Ongnye au visage bleuâtre pareil au chardon tout au long de l'année
était une pleureuse qui vendait ses pleurs

Les gens les plus tristes au monde
à leur place elle pleurait à en faire trembler ciel et terre
Elle vivait en mangeant d'innombrables étoiles filantes
qui tombaient sur la terre effondrée sous ses pleurs
Grâce aux cris de lamentation qu'elle poussait à en perdre connaissance
en mangeant des étoiles filantes qui tombaient sur sa faim
il n'y avait ici-bas aucune âme en peine errant les yeux ouverts
Celui qui devait rejoindre l'autre monde partait sereinement
ceux qui demeuraient déambulaient un moment

Au-dessus de la tête de la mère d'Ongnye
qui pleurait de la façon la plus douloureuse et la plus sensuelle
le ciel a suspendu une étoile filante à chaque trou

Quand vont-ils cesser ses pleurs ?
Ô toi Ongnye semblable au chardon, toi notre fille de poète
Tu devrais vite apprendre à pleurer en spécialiste

Tu devrais connaître
la manière de pleurer à en perdre connaissance
à la place des gens de ce monde

Vivre avec un poète

Sur terre arrive le printemps
et s'en va l'été
Les enfants grandissent d'eux-mêmes
et chacun part vers son chemin

Mais quelle maudite passion
Je vis au service d'un poète
qui n'est bon à rien

Il construit un pays toute une nuit avec la fleur
sur la page blanche qui restera vierge
pour le détruire le lendemain matin avec la fleur
et il s'obstine à appeler cela révolution

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