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Culture

La poésie (9) – Moon Chung-hee (3)

2017-08-01

La poésie (9) – Moon Chung-hee (3)
« Celle qui mangeait le riz froid », recueil de poèmes de Moon Chung-hee traduits par Kim Hyun-ja avec la collaboration de Michel Collot, paru aux éditions Bruno Doucey en 2012.

* Présentation de la poétesse :
Moon Chung-hee quitte ses parents à l’âge de 13 ans afin de poursuivre ses études dans un établissement d’une grande ville. Vivant toute seule pour la première fois de sa vie, elle commence à écrire pour s’acclimater à la solitude. Dans la postface du recueil Celle qui mangeait le riz froid, la poétesse explique :
« [...] Mon professeur me faisait des compliments pour ces récits et m’a donné une récompense. On disait que c’était ça la poésie.
Ainsi, j’ai commencé à écrire des poèmes et j’ai reçu beaucoup de prix alors que j’étais lycéenne. J’ai été la première lycéenne à publier un recueil de poésie en Corée. Cela a fait du bruit à l’époque. Je suis entrée à l’université comme boursière, sélectionnée pour la poésie. »
Cependant, le régime dictatorial du général Park Chung-hee perturbe ses études universitaires : des étudiants sont nombreux à participer aux manifestations contre le gouvernement et l’établissement sera fréquemment fermé. Elle dit : « J’ai beaucoup réfléchi alors sur la liberté et la dignité de l’Homme ainsi que sur la violence politique. Et je me suis posé la question fondamentale : ‘Comment doit-on vivre ?’. »

* Poèmes

Bœuf

Tu n’as jamais montré ta tristesse
tu partiras finalement en silence
en traînant cette chair plus redoutable que le destin
qui tremble aux derniers rayons du soleil

Les cornes que tu as plantées pour la liberté
une seule fois, tu les laisses s’abattre comme un vieil arbre
et tu partiras comme Orfeu Negro
piégé dans une invisible toile d’araignée de sang
Tu ne peux faire autrement
Des boules de feu jaunes tombent de tes yeux
Ce Ciel tolérerait
au moins cela
Ta chair est déjà entrée docilement dans un rêve
Tu pars pour un lieu sans retour possible
en marchant seulement avec tes os grinçants
Ô bœuf ! Ô bœuf !
De quoi ai-je l’air moi qui suis là ?

Souvenirs de Yulpo

Si ma mère m’a emmenée à la mer quand j’étais enfant
ce n’était pas pour me montrer les eaux bleues très salées
mais c’était pour l’estran noir qui grouillait
après que la mer se fut complètement retirée
C’était pour me montrer la force des choses
qui frétillaient dans l’estran malgré le danger
et qui vivaient en respirant
Pour cueillir la nourriture
pourquoi doit-on plier les genoux ?
pourquoi doit-on courber profondément le dos ?
Là où habitent les choses vivantes, pourquoi est-ce une chair nue si désolée ?
Si ma mère m’a emmenée à la mer quand j’étais enfant
ce n’était pas pour me faire écouter ce bruit oisif de la marée
C’était pour me montrer les mains tristes et augustes
des gens qui cueillaient la nourriture
baissant la tête dans l’estran comme des saints
devant le tableau des oiseaux qui font leur nid sur les eaux
et du petit port qui recrache son soleil couchant comme du sang

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