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On cherche en vain, dans la littérature coréenne, une oeuvre telle « Robinson Crusoë » ou « L’Ile au trésor », c’est-à-dire un récit racontant une aventure maritime. Cela est un peu étrange, d’autant que le pays, une péninsule, est de fait ouvert sur ses trois côtés sur la mer. Est-ce parce que les Coréens sont traditionnellement un peuple sédentaire, un point qu’ils partagent avec leurs voisins chinois et ce sur quoi ils diffèrent de leurs autres voisins, les Japonais ? Oui sans doute. Leur pays est par ailleurs resté longtemps coupé du monde, si bien qu’il a été surnommé « royaume ermite ».

 Que représentait alors le grand bleu pour les Coréens, avant que leur nation ne s’ouvre au monde à la fin du XIXe siècle, forcée, précisons-le, par le Japon, le premier pays d’Asie à avoir été industrialisé et qui avait besoin de déverrouiller le « royaume ermite » pour trouver un nouveau marché ? Eh bien, la mer s’associait essentiellement, pour eux, à la pêche. La pêche côtière pour être plus précis. En fait, si la Corée est extrêmement pauvre en littérature maritime, l’activité économique ou de subsistance, qui se déroule en mer, a donné naissance, en gukak par exemple, à de nombreux chants, chamanique, pour souhaiter le bon retour des marins pêcheurs, ou de travail. « Solbi sori » en est un chanté par des marins pêcheurs en préparant leur cordage d’ancre.


Pour les Coréens, « mer » rime donc plus particulièrement avec « poisson ». Il existe effectivement une grande variété de plats coréens à base de ces produits de la mer. Quel poisson est le plus apprécié ? L’ombrine, « joki » en coréen, pour sa chair ferme. Elle se mange en général salée et grillée. « Voleuse de riz », est-elle ainsi surnommée. En effet, avec ce poisson servi au repas, on mange beaucoup de riz, aliment de base pour les Coréens, qui accompagne tous les plats ou presque. Les ombrines sont malheureusement devenues assez rares dans les eaux coréennes. Raison de plus pour qu’elles soient très recherchées. 

S’agissant cette fois du poisson le plus consommé en Corée du Sud, les anchois, « myeolchi » en coréen, sont, quant à eux, toujours abondants au large des côtes du pays du Matin clair. Ils sont consommés presque quotidiennement par les ménages, car les Coréens adorent le bouillon, et notamment à base de ces petits poissons. Heureusement pour eux et en particulier pour les marins pêcheurs, les anchois se reproduisent en grande quantité et presque à toutes les saisons. En prenant le large, les pêcheurs d’anchois sont ainsi sûrs et certains de revenir avec leur bateau rempli de ces petits poissons. Selon les paroles d’un vieux chant de travail, ils quittent le port comme s’ils étaient des paysans heureux de leur bonne récolte. Il s’agit de « Pêche aux anchois ».


Alors que pêcheur comme chasseur est traditionnellement un métier d’homme, le cas de l’île de Jeju faisait, jusqu’à une date récente, figure d’exception. En fait, la structure sociale de cette province coréenne d’outre-mer est restée longtemps marquée par le matriarcat. Ce fait était sans doute lié à l’impossibilité de la riziculture sur cette île volcanique ; riziculteur étant un métier masculin, d’autant que le labourage d’une rizière demande beaucoup de force. Hier comme aujourd’hui, les principaux produits agricoles de Jeju étaient des légumes et des fruits, dont la culture était destinée aux femmes, plus habiles que les hommes. Sur cette île méridionale, c’était les femmes, les mères de famille, qui exerçaient le pouvoir, parce que c’était elles qui nourrissaient les leurs. En fait, au sein d’une famille, qui dit « pouvoir » dit « pouvoir économique ». 

La plupart des femmes de Jeju s’adonnaient aussi à la pêche sous-marine, une activité d’autant plus éprouvante que ces plongeuses, appelées « haenyeo », « filles de la mer », travaillaient sans masque à oxygène, ni combinaison. Imaginez une « haenyeo » rentrant chez elle avec des produits de la mer qu’elle a cueillis en affrontant tous les dangers. Son mari voit son visage plein de fierté, à juste titre. Que faisait-il alors pendant que sa femme bravait la mer ? Eh bien, il s’occupait du ménage. En fait, à Jeju, les rôles traditionnels du mari et de la femme sont restés longtemps inversés.

« Comment ça, tu vas épouser une femme sans dot ! » pouvait s’exclamer un Coréen du siècle dernier devant son ami qui vient d’annoncer son mariage. Ce dernier pouvait alors apporter une précision : « Elle est originaire de Jeju. » Sur ce, son ami ne trouve plus son mariage si « scandaleux » et lui souhaite même la prospérité de sa maison grâce à sa future épouse. Travailleuse, brave et fidèle à son mari, même s’il est impuissant, économiquement parlant ; voilà les qualités attribuées traditionnellement à une femme de Jeju. Comme pour les attester, voici un passage des paroles d’une chanson de « haenyeo » : « Sou par sou, je mets de côté de l’argent que j’ai gagné / pour le bonheur de mon mari / qui en a besoin pour boire... »


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Solbi sori » chanté Yu Ji-sook

2. « Pêche aux anchois » interprétée par Park Kyu-hee et An Sook-sun accompagnées au gayageum

3. « Chant de Haenyeo » » par Kim Ju-ok

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