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Cinéma & dramas

« Default » de style mais pas de scénario

2018-12-19

Séoul au jour le jour


« Default » de Choi Kook-hee avec CJ Entertainment et l'international Spackman Entertainment Group (SEG) et son évocation de la crise financière asiatique de 1997 qui vit le licenciement de centaines de milliers de prolétaires devaient être le carton de l'hiver. Il ne le sera probablement pas, et la faute n'en vient pourtant pas à un scénario joyeusement dialectique qui passe en revue la situation d'une classe sociale à l'autre. Ce n'est pas non plus le manque d'une vision politique qui le plombe mais une héroïne peu crédible et une mise en scène qui sort rarement du long tunnel des enfilades de dialogues.


* FMI et haut dirigeants


L'histoire paraît absconse pour des non initiés à l'histoire coréenne. Le film commence bien avec contextualisation à force d'images style présentation bureaucratique au « Power Point ». Le miracle du fleuve Han apparaît comme un dopage de l'économie par le contrôle américain d'après-guerre. Précisons que la bourgeoisie de 1948 se sent pousser des ailes suite au départ de l'opposition politique pour le Nord, séparation confirmée en 1953 avec la partition de la péninsule. Cette bourgeoisie va mettre en coupe le Sud avec l'aide des puissances d'argent américaines. Ceci explique sa façon très relaxe de voir la crise et l'intervention du FMI à la fin des années 90. Le monde des hautes sphères du pouvoir est incarné par l'héritier d'un holding, des députés et des hauts fonctionnaires (l'excellent Jo Woo-jin en directeur des finances). Copains comme cochons, ils n'hésitent pas à couler les PME du pays, licenciements massifs inclus (les technocrates disent « restructurations ») : après tout, rien n'est différent pour eux. Pour le FMI (dont le rôle du patron est incarné par Vincent Cassel), le film montre une collusion avec la finance américaine qui prendrait le contrôle du pays du Matin clair. Mais, en fait, elle l'a toujours eu. Certains parient plutôt que l'élection de Kim Dae-jung, vu comme un terrible communiste par la CIA, a joué un rôle dans cette « restructuration ». L’ancien militant pour la démocratie et les droits de l’Homme, élu, s'est retrouvé pieds et poings liés. Le film, pro-étatiste, se contente de dénoncer une décision des méchants étrangers de retirer brusquement leurs investissements du pays.


*Petits patrons et prolétaires dans la crise


Le scénario dialectise gros patrons et petits patrons. Mais il ne va pas jusqu'à décrire  les centaines de milliers de prolo licenciés. On se souvient encore des couloirs de stations de métro remplies par les couches en carton des nouveaux pauvres. L'acteur Huh Joon-ho est de retour en interprétant un petit patron de manufacture d'abord super heureux d'être en affaire avec une grosse compagnie puis acculé à la faillite et au suicide suite à la liquidation des filiales de cette même compagnie. Depuis les années 1960, des centaines de milliers de sous-traitants sont dépendants d'une poignée de Chaebols mis en place par la dictature de l'époque.


*Les affairistes et la gentille bureaucrate


Le scénario fait, enfin, référence à l'actualité avec le personnage de Yoo Ah-in, un trader qui a senti le vent tourner et qui a fait son beurre (avec deux autres riches acolytes) à l'époque pour monter un nouveau chaebol (holding). Peu de noms sont cités, excepté le holding Daewoo, fondé en 1967, qui fut démantelé avec ses 20 filiales en 1999. A côté des opportunistes montrant que la misère d'un plus grand nombre remplit le compte en banque de quelques uns, on trouve une bureaucrate rebelle jouée par Kim Hye-soo. La meilleure scène du film est celle où elle décide avec ses adjoints de dénoncer la collusion entre l'Etat, les chaebols et le FMI lors d'une conférence de presse et que, le lendemain, les journaux n'en mentionnent rien. La liberté de la presse en prend un coup. Le problème est que son personnage est bien trop moderne, comme projeté de 2018 en 1997. Sa dénonciation des incompétences de ses supérieurs tous attachés à maintenir, avant tout, la hiérarchie comme des princes d'un autre temps et le sexisme anti-femmes est bien vu. Mais il est peu probable qu'une telle femme ait existé à l'époque. Cela rappelle le personnage anachronique du procureur Ha Jung-woo dans le film « 1987 ». L'autre meilleure scène d'un film qui en comporte peu étant celle où les affairistes découvrent un pendu dans leur nouvel appartement du quartier des nouveaux riches de Gangnam. On pense à une scène de « Obaltan, La balle perdue » de Yu Hyun-mok et à une mère et son enfant pendue sous un pont de l'autoroute moderne au cœur de Séoul dans la misère de 1961.

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