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Cinéma & dramas

12.12 : The Day : aux sources du fascisme de Corée du Sud

2023-12-20

Séoul au jour le jour


Le film « 12.12 : The Day » de Kim Sung-su revient sur le coup d'état de décembre 1979 à l'aide des stars Hwang Jung-min et Jung Woo-sung. Un peu d’Histoire. En 1993, au lendemain de son élection, le président Kim Young-sam décida de la mise à l'écart de tous les hauts gradés liés à Hanahoe, une organisation secrète de tendance fascisante qui a joué un rôle crucial lors du coup d'état de 1979 avec Chun Doo-hwan à sa tête. Plus tard, Kim Young-sam dira qu'un autre coup d'état fomenté par cette association était en préparation contre lui. Son élimination était une question de survie pour la démocratie en Corée du Sud. Voyons comment le très subtil cinéaste Kim Sung-su évoque l'affaire dans son film.


* Le commandant de la garnison de Séoul
Un mot d’abord sur le 12.12, ou 12 décembre, du titre international sans mention de l'année. C'est une habitude en Corée du Sud d'éliminer l'année comme pour voir quelque chose de cyclique dans la vie ou de rendre mythique des chiffres pour des étudiants à la mémoire courte qui finissent par ne plus savoir ce que ces chiffres recoupent. Le titre coréen est « Le Printemps de Séoul », c'est la manière dont les livres d'histoire moderne se réfèrent à cette très courte période. Après l'assassinat du dictateur Park Chung-hee, la possible nomination d'un civil à la présidence Choi Kyu-ha entraîna des répressions militaires et des arrestations massives. Bref, le film, lui, a pour vertu d'être clair sur un sujet concret : le poste de commandant de la garnison chargée de la sécurité de Séoul, la capitale, est un poste extrêmement difficile. Dans le film, l’acteur Jung Woo-sung tient ce rôle que tenait dans la vraie vie de l'époque le commandant Jang Tae-wan. Ce dernier, après la réussite du coup d'état, connut les pires mésaventures : affreusement torturé dans l’infâme hôtel Seobingo par les militaires avant de disparaître pour 20 ans dans les oubliettes après avoir vu son père mourir de faim et son fils suicider sur la tombe de son grand-père. Le film de Kim est une sorte d'hommage à ce commandant bien qu'il en rajoute au niveau dramatisation.


* Du réel à la fiction : la baston
Certes certains soldats n'étaient pas tombés sous la coupe de Hanahoe, mais il n'y a pas eu de fusillade héroïque sur la place Gwanghwamun entre eux et les putschistes comme le décrit le long-métrage. Le cinéaste raconte qu'il était adolescent à l'époque - il est né en 1961 - et qu'il a entendu des coups de feu en provenance de la résidence du chef de l’état-major de l’armée de terre, qui se trouvait près de chez lui. C'est ce qui lui a fait imaginer ces combats héroïques du peuple en arme aux côtés de soldats incorruptibles contre les forces fascistes. Beau rêve s'il en est, mais c'est tout juste si dans la réalité quelques hauts gradés se sont braqués les uns les autres à la manière d'une Impasse Mexicaine. Jang Tae-wan a lui-même expliqué plus tard que tout était joué d'avance, que son commandement sur la garnison était un simulacre depuis le début. Les putschistes fascistes avaient noyauté tous les rouages du pouvoir militaire autant que politique depuis leur formation autour du dictateur Park Chun-hee, dont ils étaient la garde rapprochée, dès le coups d'état de 1961. Mais ce que Kim Sung-su a pu entendre ce soir seraient peut-être des coups de feu qui ont assassiné le major Kim Oh-rang, au centre de commandement de Songpa. Ne comprenant pas la situation, le militaire a résisté aux soldats venus arrêter son général en chef. Son zèle sera payé : il sera abattu. Son général, Jeong Byeong-ju, survivra jusqu'en 1989 lorsqu'on retrouva son cadavre dans les collines qui surplombent Séoul. Un signe ironique de sa hauteur de vue, probablement.


* Kim Sung-su : une dernière fois sur la brèche ?
Ce film d'action autour du coup d'état de 1979, est nimbé des belles intentions pro-démocratiques du cinéaste Kim Sung-su, un vétéran du cinéma local, qui a eu une carrière en dents de scie après de brillantes réalisations. Après des débuts autour du cinéma de la mouvance pro-démocratique des années 1990, notamment scénariste pour Park Kwang-su pour « Black Republic » et « Berlin Report », il a a été le chef de file du Tayozoku sud-coréen avec « Beat » et « City of the Rising Sun » en 1997 et 98. Des films sur la jeunesse rebelle du pays. Mais vint le règne des blockbusters et Kim se fourvoya dans « Musa » en 2001, un échec qu'il lui a fallu 12 ans à digérer. Il a retrouvé sa voie dans le film dystopique et noir avec, d'abord, le film prémonitoire de la pandémie « The Flu » en 2013, puis le très noir « Asura » trois ans plus tard. Il a pris sont temps, mais cela lui rapporte gros car « 12.12 : The Day », sorti en période où les Coréens du Sud s'interrogent sur leur orientations politiques démocratiques, s'avère déjà comme un succès avec près de 9 millions d’entrées.

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