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Cinéma & dramas

Sweet Home : le retour !

2024-01-03

Séoul au jour le jour


La série de Netflix « Sweet Home », adaptée du webtoon homonyme de Kim Carnby et Hwang Young-chan, est de retour pour une deuxième saison. La première avait démarré sur les chapeaux de roue dans le sillage des grands succès que sont « Squid Game » et « Hellbound ». Mais après des débuts prometteurs qui avait fait monter la série dans le top dix des séries les plus vues de Netflix, les spectateurs étaient restés sur leur fin : trop de logorrhée pseudo-psychologique, trop de mélo simpliste. Comment redémarrer avec une deuxième saison dans ces conditions? Mais ce serait oublier l'aspect technique, les effets spéciaux coordonnés par Studio Dragon, l'âme damnée de Netflix en Corée du Sud. C'est cet aspect qui a prévalu avec une deuxième vague aux effets concoctés par l'équipe américaine de Legacy Effects, celle de Avatar, Avengers et Game of Thrones. 


* Monstres en série
« Sweet Home » est un titre ironique. Rappelons simplement les prémisses de l'histoire pour voir où l'ironie prend sa source. En effet, il s'agit d'un scénario extrêmement paranoïaque où les habitants d'un immeuble sont soudain encerclés de créatures mutantes. C'est alors le prétexte à la découverte du voisinage. Si cela vous rappelle le scénario de « Alive » avec Yoo Ah-in, vous avez une bonne mémoire. Mais cette fois, il ne s'agit pas de zombification mais de mutations mi-robotiques mi-animales et surtout gigantesques. On sort donc des métaphores zombiesques fondées au moins depuis les films de Georges Romero, pour se brancher sur les super-héros de Marvel et leurs mutations plus ou moins voulues. Evidemment, si cela est facile dans les bandes dessinées - une tentacule par ci, une tête de pieuvre par là - cela est une gageure pour le cinéma avec de vrais acteurs. D'où l'intervention de Legacy Effects et la mise en avant des créatures mutantes comme des performances en soi au-delà de l'histoire qui, elle, tourne en rond.


* Super-héros et super frutrations
Quel est le ressort du sous-genre de films de monstres qu'on pourrait qualifier de films de mutations ? Le ressort est, en fait, le même, à la base, que celui des super-héros. Des individus lambda se rêvent en créature super-puissantes. On connaît l'histoire de l'employé de bureau incolore, indolore, inconsistant et hyper frustré qui se prend, dans ses habituelles nuits d'insomnies, pour un démon connecté avec les dieux tout-puissants. C'est Superman créé en 1938 par Siegel et Shuster. Le ressort principal est donc celui de la frustration. Cela permet aux adolescents de s'identifier sans problème, eux qui vivent au quotidien leur impossibilité d'être adultes ; mais cela correspond aussi, dans les années 1930, à la frustration de la nouvelle classe des employés de bureau, les futurs bureaucrates, qui subissent les pressions de leurs chefs et de toutes les hiérarchies kafkaiennes. Noter, comme chez Kafka, que cela est spécialement orienté vers un public masculin. En effet, l'une des frustrations est celle de ne pas séduire la petite secrétaire du boss ; ce que Superman peut faire en un tour de main. Bref, cela est important car, si le webtoon restait dans ce créneau, la série a introduit des personnages féminins. Notamment le personnage joué par Go Min-si une ballerine devenue super-woman. Meetoo est passé par là, c'est sur. La série joue sur un second ressort, très social, mais comme pour les super-héros américains, traité un peu comme un décor et pas sérieusement creusé : celui qu'Antonin Artaud nommait les suicidés de la société.


* Suicidés de la société contre performance technocratique
La deuxième saison de « Sweet Home », en étendant l'histoire dans l'espace - les habitants cloîtrés de l'immeuble sortent pour se réfugier dans un stade - marque le coup : on attend de la profondeur sur les suicidés de la société qui forment le gros des troupes des personnages, traînant avec eux une critique sociale des plus morbides, mais on hérite de nouvelles performances graphiques de Legacy Effects et Studio Dragon. Qu'est-ce que cela veut dire ? L'emphase sur la technique digitale ou autre souligne le technocratisme, une idéologie qui relie la hiérarchie sociale à l’esbroufe technique, et les sociétés de production se tire la bourre sur le sujet. Ici, cela consiste à mêler les techniques anciennes du stop-motion avec toutes sortes d'effets digitaux, des contorsionnistes réels amplifiés par des graphismes surréels. Au final, on sort de la métaphore qui permettrait de creuser les traumatismes familiaux - les critiques simplistes n'y voient que le culte de la famille - pour jubiler à la vue des monstres numériques (et aussi nombreux).

Si la série « Sweet Home » n'apporte que peu de réponses, elle permet de poser cette question de la présence vaine de la technique dans les films et séries, avec la vieille question de la remise en cause de la sainte famille qui émerge parfois, mais qui reste toujours écrasée par l'idéologie familiale dominante. Cette ambiguïté, de plus en plus évidente d'épisodes en épisodes, va peut-être coûter chère au niveau du score de la deuxième saison. Il faut encore attendre quelques semaines pour confirmer cela. 

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