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Culture

L'auteur et son sujet fétiche (2) : Pyun Hye-young et la peur (16)

2015-06-18

L'auteur et son sujet fétiche (2) : Pyun Hye-young et la peur (16)
« Cendres et rouge », roman de Pyun Hye-young traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel, paru chez Philippe Picquier en 2012.

* Extrait :
L'homme à la torche est responsable des équipes sanitaires chargés de désinfecter et dératiser les habitations. L'origine de l'épidémie restant inconnue, certains se laissent aller à la superstition, alors que d'autres soupçonnent les rats de véhiculer la maladie. La peur vis-à-vis des bestioles ne cesse de grandir chez les habitants de C. Au début, les autorités sanitaires ont décidé de recruter des volontaires qu'elles enverraient directement dans les maisons pour éliminer les rats, mais les candidats n'étaient pas nombreux à se présenter pour accomplir cette tâche en raison des salaires trop bas et des conditions de travail trop dangereuses. C'est pourquoi les services sanitaires ont commencé à embaucher de force des sans-emploi, des SDF pour la plupart.

Pages 159 à 160 :
Quelles qu'aient été ses raisons de tuer ces rats, T-K a eu de la chance d'être capturé, comme le lui a si bien fait remarquer l'homme qui l'a frappé avec son gourdin. À vrai dire, le mot « capturé » ne convient pas. T-K éprouve de la gratitude envers les quatre agents sanitaires pour l'avoir arraché aux égouts immondes et lui procurer des repas corrects à heure fixe, pour l'avoir empêché de se jeter dans les flots sombres et surtout pour lui avoir fourni cette combinaison argentée. [...]
La demande a augmenté si fortement qu'on a confectionné en masse des combinaisons en tissu synthétique de mauvaise qualité, qui ressemblent plutôt à des vêtements thermiques. Non seulement elles ne protègent pas contre les virus, mais elles provoquent d'abondantes transpirations. Certaines même, grossièrement cousues, laissent échapper leur rembourrage en faux coton. Ce sont probablement ces tenues au rabais que l'on a distribuées à T-K et ses collègues. T-K n'en tient pas moins à la sienne comme à la prunelle de ses yeux. Elle représente bien davantage pour lui qu'une sécurité. Dans la rue, elle lui permet de se fondre dans la masse de tous ceux qui portent une combinaison. Il devient alors comme les autres, il n'a plus ni honte ni peur. Excepté d'être infecté.


T-K décide de s'infiltrer dans le siège social de la maison mère afin de voir Mol. Pour se faire dispenser du travail de nuit, il donne tout l'argent économisé sur son maigre salaire à son chef d'équipe, qui accepte sa demande et lui prête même un costume.

Pages 165 à 168 :
— On me dit que vous cherchez Mol.
— Oui, c'est ça.
— Vous êtes étranger ? Vous avez un accent...
T-K hoche la tête.
— Alors, je vais parler plus lentement. Vous ne saviez pas que Mol avait été contaminé ?
— Quoi ?
— Vous n'étiez pas au courant ? Mol est en congé maladie.
— Depuis quand ?
— Il est tombé malade dès le début de l'épidémie, mais je ne me souviens pas de la date exacte.
— Qui succède ?
— Qui le remplace, vous voulez dire ? Personne ! [...] Ici, nous sommes constamment débordés. [...] Épidémie ou pas, ça ne change rien. Bien sûr, nous devons faire attention de ne pas contracter le virus, mais le plus important, c'est la bonne marche de l'entreprise. [...] L'ordinateur du malade reste éteint et ses dossiers sont détruits. [...]
— Qu'est devenu l'employé de votre filiale à l'étranger qui devait venir travailler ici ?
— De quoi parlez-vous ? Je n'ai jamais vu d'étranger dans mon service.
— C'est moi. Mol m'a sélectionné.
— Ah, donc, ce n'est pas votre ami ! Je regrette de ne pouvoir vous renseigner sur lui. Nous appartenons tous les deux au département des ressources humaines, mais nous ne travaillons pas ensemble. Mol s'occupe principalement de dossiers confidentiels. [...]
— Je voudrais ses coordonnées personnelles, s'il vous plaît. [...]
L'homme réfléchit un moment, l'air sceptique, puis reprend :
— Si vous étiez son ami, je pourrais m'arranger pour trouver son adresse, mais... je me demande si vous êtes vraiment envoyé par notre filiale. [...]
L'homme hausse les épaules. En voyant deux gardiens approcher, T-K comprend la signification de son geste. [...] Les deux agents de sécurité s'inclinent légèrement devant T-K comme pour s'excuser avant de l'empoigner par les bras. T-K se laisse faire docilement. Si Mol n'est pas ici, il n'a aucune raison de rester plus longtemps.
Tandis qu'ils attendent l'ascenseur, l'homme, qui est sorti derrière eux, appelle T-K par son nom et lui demande :
— [...] Mais dites-moi, avez-vous déjà rencontré Mol ? Je ne crois pas. Je me trompe ?
T-K reste coi.
— Dans ce cas, il vous sera difficile de le trouver.
L'homme esquisse un sourire énigmatique puis fait demi-tour. Ce n'est qu'au moment de monter dans l'ascenseur que T-K s'avise que personne dans le pays, à part Mol, ne connaît son nom. Ce qui ne veut pas dire forcément que cet homme soit Mol. Quelle coïncidence ce serait d'être tombé sur lui ! Mais T-K n'y croit pas. L'homme a nié que Mol ait été remplacé, mais qui sait si ce n'est pas lui qui lui a succédé ? T-K ne peut toutefois se retenir de penser qu'il vient de rencontrer Mol.

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