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Culture

La poésie (6) – Kim Hyesoon (2)

2017-05-09

La poésie (6) – Kim Hyesoon (2)
« Un verre de miroir rouge », recueil de poèmes de Kim Hyesoon traduit du coréen par Lee Choo-woo et Lucie Angheben, paru aux éditions Decrescenzo en 2016.

* Présentation de la poétesse :
Durant sa jeunesse, Kim Hyesoon appartenait à un groupe féministe appelé « Une Autre Culture ». Dans une interview donnée à la web-revue spécialisée dans la littérature coréenne Keulmadang, elle explique : « Je me suis alors rendu compte que l'idéologie du mouvement pour la libération des femmes était en désaccord avec ma poésie. Dans ma vie quotidienne et lorsque j'écris des essais, j'ai des pensées féministes et je me sens engagée sur cette question, mais mes poèmes ont couvert mes pensées rebelles d'une gaine à la fois brillante et vivante, comme si elle avait été tissée de vapeur. Il n'y a pas que l'image de 'la femme' qui est devenue floue, il y a aussi l'image de 'moi' : et c'est cet état 'flou' qui est ma poésie. Ma poésie me dit de rapporter l'eau de vie qui sauvera celle du père sous la forme des chants d'une femme partie pour le monde des Morts. Ma poésie me dit de devenir un spectre. J'ai écrit un essai dans lequel je voulais exprimer que le point de départ de la poésie est la femme. Je voulais dire que quel que soit le sexe du poète, la poésie se trouve aux côtés de la nuit, de l'absence, la poésie commence avec la mère (qui s'est perdue pour moi). C'est ainsi que j'écris de la poésie. »

* Poème

Sublime cuisine

Ils sont encore venus manger la lune
La femme a mangé la lune, et mois après mois, son ventre a gonflé
Quand la lune pétrie avec son lait a fini de cuire
Elle a ajouté l'arôme frais de la menthe céleste

J'ai déjà jeté un œil dans sa cuisine
Les gazouillements secrets des cuisiniers vêtus de blanc
La tempête faisait rage
Et tranchait les cous des canards sauvages
Sur plusieurs centaines de rondins tenant lieu de planche à découper
C'était une sublime cuisine

Les invités sont entrés accompagnés des enfants
Maman, maman, je voudrais un verre d'étoile acidulée !
Elle lui a donné un verre de gros nuages noirs
Avec une étoile glacée

J'ai déjà jeté un œil dans sa cuisine
Pendant que les gros nuages orageux de farine se formaient
Et que le sang d'une bête fraîchement tuée se déversait dans l'évier
Des cuillères, des baguettes, des doigts, des orteils criaient
Emportés dans le bac à vaisselle
C'était une sublime cuisine

Il était l'heure de préparer un encas nocturne
Lorsque j'ai cassé la lune dans la poêle
Un tout petit trou s'est formé à sa surface
Et une nuée d'oiseaux dont les ailes allaient être frites en est sortie en rampant
Ils ont déployé leurs ailes noires dans le ciel
Au fur et à mesure que la nuit avançait
Je l'ai fait cuire toute la nuit

On salive, on mâche, on lèche, on rote, on mâchouille, on suce, on goûte, on boit, on mange sans arrêt, on avale. On crie : Santé ! Encore ! S'il vous plaît ! Encore une bouteille ! On crie, on manage bruyamment, on éructe, les ventres gargouillent, Burp !

Grands ouverts comme des lèvres qui n'ont jamais été fermées,
Les bâtiments des deux côtés de la rue nocturne
Festoient du ciel nocturne
Tout était sublime

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