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Le soleil s’est-il levé ?

Le « gagok », chant lyrique, est une heureuse rencontre de la littérature et de la musique. Il s’agit d’un tercet, une strophe de trois vers donc, chanté aux instruments à vent et à cordes. Le poème à forme fixe, appelé « sijo », possède déjà une musicalité, grâce à une ordonnance harmonieuse des groupes de syllabes. A titre d’exemple, voici l’un des plus connus des Coréens, d’autant qu’ils l’étudient à l’école :


Le soleil s’est-il levé ? L’alouette gazouille

Le jeune paysan est-il toujours au lit ?

La journée est courte pour tracer de longs sillons


Ce petit poème est enseigné aux enfants, entre autres raisons, pour les inciter à lutter contre la paresse. A l’occasion, l’enseignant peut citer un proverbe : « Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. »


L’auteur de ce « sijo », un certain Nam Gu-man, était un haut dignitaire de la cour royale Joseon. Ayant malheureusement perdu la faveur de son roi, il vivait en exil dans une commune rurale, quand il a composé son tercet. Un poème édifiant destinés aux paysans qui ne lui paraissaient pas assez diligents ? L’ancien haut dignitaire croyait-il que même en exil, il se devait de servir son souverain de façon à inciter les gens du peuple à devenir travailleurs, à contribuer ainsi à l’amélioration des recettes fiscales ? En tout cas, ses voisins, du moins les curieux, ne pouvaient sans doute s’empêcher de prêter l’oreille à son poème, car, comme cela se faisait pour lire un « sijo » dont on était l’auteur ou non, il le récitait à haute voix, de façon presque à le chanter. 


Tu mens

Un « gagok » est démesurément long par rapport à ses paroles. Il l’est, certes, parce qu’il comporte un prélude et un interlude instrumentaux. Mais c’est plus essentiellement parce que presque toutes les voyelles dans les paroles sont prononcées de façon extrêmement rallongée, et ce conformément aux règles de récitation du « sijo ». La version musicale de ce genre de poème, « gagok » donc, n’est certainement pas tellement apprécié des jeunes Coréens qui adorent la rapidité, et même par les Coréens en général prônant le « pali-pali », « à la va-vite »... Par contre, le chant du même genre est à recommander aux adeptes de la « slow life », à ceux qui sont persuadés de la nécessité de vivre plus lentement pour mieux profiter de l’instant présent. A ce sujet, notons que le mot « sijo » en caractères chinois signifie littéralement le « contrôle du moment ». Dans la vie, chaque instant est précieux ; il faut en jouir aussi intensément que possible. Dans un poème, chaque mot est une trouvaille ; il faut le ruminer, de façon par exemple à rallonger sa prononciation.


Tous les « sijo » ne sont bien sûr pas moralisants comme celui d’un ancien haut fonctionnaire que nous avons vu. Ils ne sont pas non plus tous les œuvres d’un intellectuel confucianiste. Hwang Jin-i par exemple, une célèbre kisaeng, « geisha coréenne », est connue de la postérité aussi bien pour ses tercets admirablement écrits que pour sa grande beauté. Un « sijo », dont l’auteur est inconnu et qui nous est parvenu en forme de « gagok », est sans doute également l’œuvre d’une femme :


Me disant que tu m’aimes, tu mens

Tu m’aimes tant, dis-tu, que j’apparais dans ton rêve

Mais tu ne trouves pas le sommeil si tu m’aimes tant


Quelle femme a trouvé cet argument, par ailleurs poétisé, pour repousser sans doute les avances d’un galant homme ? Ayant lu ce « sijo », qui prétendrait que les femmes sont moins rationnelles, voire moins logiques, que les hommes ?


Avant que la nuit ne s’achève

Le « gagok » est subdivisé en deux catégories : le chant destiné à la voix masculine et celui à la voix féminine. Ils se distinguent notamment au niveau de la tonalité : le ton du premier appartenant au mode majeur, « wujo » en termes de gukak, celui du second au mode mineur, « gemyeonjo ». Dans un concert de « gagok » en général, les interprètes du sexe masculin et du sexe féminin se relaient, ce qui est bien sûr une invention moderne, d’autant qu’à l’époque du Joseon, ce genre de spectacle était inimaginable.


Le « gagok » a par ailleurs fait l’objet d’adaptation moderne, notamment pour qu’il puisse être interprété par un chanteur ou une chanteuse n’ayant pas assez de souffle pour l’allongement phonétique qui caractérise la récitation du « sijo ».


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Le soleil s’est-il levé ? » par Yi Dong-kyu.

2. « Tu mens » par Kim Yeong-ki.

3. « Avant que la nuit ne s’achève » chanté par le groupe Souljigi.

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