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Changbutaryeong et ses variantes

Il était une fois un certain Jeon Tae-yong, un musicien né au début des années 1920. C’était un instrumentaliste polyvalent. Un virtuose du haegeum, il pouvait remplacer, au besoin, celui qui jouait du daegeum, une flûte traversière, du piri, une petite flûte à bec, ou encore du gong. Il était ainsi très recherché par un impresario, « changbu ». A son origine, ce mot désignait le mari d’une chamane auquel il arrivait de s’occuper de l’organisation d’un « gut », le rituel chamanique, un véritable spectacle vivant animé du chant, de la danse et de la musique instrumentale. Par extension, le mot « changbu » s’appliquait à tous les organisateurs de ce genre de rituel n’ayant rien de cérémonieux, créant une ambiance plutôt bon enfant.


A une date impossible à préciser, pour que les gens découvrent un autre talent de Jeon Tae-yong, ils profitaient sans doute d’un « après-gut », c’est-à-dire le partage des offrandes. Les artistes ayant accompli leur travail, dont notre instrumentaliste, étaient parmi les convives. A un moment donné, alors que tout le monde était ivre et joyeux, on entendait quelqu’un chanter, pour son propre plaisir sans doute, car personne n’a proposé d’égayer encore davantage l’ambiance de cette façon. C’était Jeon Tae-yong, visiblement saoul. Ce qu’il chantait était une chanson bien connue, « Cahngbutaryeong », « Chant du changbu », mais interprétée de façon à fasciner les convives, à leur couper le souffle pour certains.


Alors qu’aujourd’hui, « Changbutareyong » est indissociablement lié au nom Jeon Tae-yong, l’artiste décédé en 1990, de son vivant, on ne pouvait l’écouter chanter qu’à l’occasion d’un « après-gut » ou d’une fête dans un village. En effet, il ne s’est jamais produit sur scène. Il n’a même accepté qu’une seule fois d’enregistrer dans un studio. Avait-il une sorte de glossophobie ? C’est plus probablement parce qu’il préférait chanter pour lui et non pour autrui. Autrement dit, il ne voulait pas chanter par contrainte, mais purement par envie. Un artiste original et authentique selon la définition de ce métier par Nietzsche : « Un artiste est celui qui ne travaille que pour son plaisir ».


L’art vocal de Jeon était donc marqué par la spontanéité et aussi probablement par l’improvisation. En fait, cet artiste repoussant toute sorte de contrainte devait se refuser aussi à chanter « comme il faut », c’est-à-dire à interpréter une chanson toujours de la même façon. Selon son humeur du jour ou selon le nombre de verres qu’il avait pris pendant le repas de fête après un événement auquel il participait en tant que membre d’un orchestre, il pouvait chanter une chanson de façon à modifier son rythme et sa cadence, voire de façon à improviser. Si cela lui arrivait effectivement, à quoi ressemblait une variante de son « Changbutaryeong » ? Pour satisfaire cette curiosité, on peut écouter une adaptation de ce chant en jazz, musique improvisée par excellence.

 

« Changbutaryeong » était à son origine un chant de commémoration d’un musicien mort noyé à un âge encore jeune. En fait, en étendant encore plus sa signification, le mot « changbu » désignait aussi les artistes collaborant au rituel chamanique. « Qu’est-ce qui nous empêche de nous amuser ? » Ce premier morceau des paroles donne le ton. Ecrit sur le souvenir d’un événement tragique et sur une leçon tirée de cet événement, le texte se résume en ces mots : il faut profiter de la vie.


Une autre adaptation moderne de « Changbutaryeong » a été réalisée de façon à remplacer ses paroles par un poème faisant autrement l’éloge de la vie. Quand on pense que l’auteur de cette ode est un moine bouddhiste ! Il s’agit d’un certain Gyeongha, de son nom de baptême. En quête d’illumination, il a endossé la robe grise ou « est entré en montagne », locution bouddhiste pour dire « entrer en religion ». En effet, un temple siège en général dans une montagne. Son poème, intitulé justement « Ipsanga », « Entrée en montagne », nous laisse penser que Gyeonha, novice, était impressionné par la beauté du paysage sauvage et rêvait d’une toute autre chose que l’illumination :


Ecoute ce torrent au chant d’oiseaux

Regarde ces sarments de la vigne sauvage

S’entrelaçant sur une falaise

Si l’on construisait en bas une maison de roseaux

Pour accueillir un vieil ami

Tantôt nous chantons un poème

Tantôt nous brûlons un bâton d’encens


Le poème chantant le rêve d’un jeune novice finit par ces mots, exactement les mêmes que ceux du début de « Changbutaryeong » : « Qu’est-ce qui nous empêche de nous amuser ».


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Cahngbutaryeong » par Jeon Tae-yong.
  2. « Changbutaryeong », adaptation en jazz par Yi Hee-mun.
  3. « Ipsanga » par Kim Yong-woo.

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