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« Ipal cheongchun »

« Parutparut » est un idéophone désignant en coréen un aspect légèrement vert par endroits. Ce mot est évoqué en particulier pour décrire les bourgeons, signe du retour du printemps. Et cet oeil des arbres et des arbrisseaux est souvent associé aux prémices de l’adolescence, voire de la puberté.


Alors que les limites d’âge de l’adolescence sont assez arbitraires, une locution populaire en coréen, « ipal cheongchun », fixe son début à 16 ans. « I » signifiant « deux », multiplié par « pal », à savoir « huit », on obtient effectivement 16 ; « cheongchun » désignant la jeunesse. On retrouve cette locution dans « Hymne à la jeunesse » ou « Cheognchunga », une chanson des années 1930, alors que la Corée était sous l’occupation japonaise et que son peuple venait de découvrir la civilisation occidentale : « A ipal cheongchun, nous ne sommes plus des enfants ; apprenons ce qui vient du monde civilisé. »


C’est visiblement un chant édifiant, inspiré également du nationalisme. Pourquoi la Corée a-t-elle fini par être annexée au Japon ? C’est parce que le royaume ermite restait fermé à la civilisation occidentale, alors que son voisin, le pays du Soleil levant, a su s’ouvrir au monde évolué. La chanson incite les jeunes Coréens de l’époque à ne pas répéter l’erreur de leurs aînés.


Cette incitation est bien sûr insignifiante ou presque pour les « ipal cheongchun » du XXIe siècle. Cela n’a pas empêché qu’un groupe de jeunes chanteurs, Singsing, reprenne le vieux chant édifiant, l’interprétant dans un style assez différent dont le message semble dire qu’à « ipal cheongchun », l’âge marqué par l’éveil à la sexualité, les ados sont préoccupés par une toute autre chose que ce à quoi la chanson les incite.


En fait, plus d’une chanson coréenne, de genres et d’époques différents l’affirme ou le suggère : « ipal cheongchun », c’est avant tout l’âge où l’on rencontre le plus souvent le premier amour. Un amour pas forcément brûlant, mais plutôt de nature à laisser espérer tout jusqu’à l’impossible. Un amour semblable à un bourgeon, qu’on peut évoquer justement par l’idéophone « parutparut », s’il est indicible.


C’est peut-être en se souvenant de leur « ipal cheongchun » et, pourquoi pas de leur premier amour, que les jeunes chanteuses du groupe Arisu ont revisité un vieux chant folklorique de Jeju, « Neoyoung Nayoung », « toi et moi » en dialecte de cette belle île méridionale. Leur interprétation originale consiste à substituer le texte original par un autre, un procédé appelé « contrafactum ». Si les paroles sont un peu naïves, c’est parce qu’elles chantent un amour ingénu, sans fard, celui qu’on éprouve à l’âge, disons, de « bourgeon ».


Toi et moi comme flottant légèrement dans l’air

Nous nous aimons le jour comme la nuit

D’un vrai amour

Pleures-tu à la chute des pétales fanés

Sache que c’est pour donner des fruits

Ne regrettons pas le temps qui passe

Car nous nous aimons aujourd’hui autant qu’hier

D’un vrai amour


A « ipal cheongchun » où l’être s’étire et cherche à s’étendre, les jeunes rêvent de découvrir le monde. Quel adolescent n’aurait pas songé une fois à quitter le cocon familial, à une fugue ? Avez-vous lu « Le Grand Meaulnes », un roman qui incarne à merveille ce rêve d’adolescence ? Quand Meaulnes, un pensionnaire chez un couple d’instituteurs, méditait sur son « projet d’évasion », il avait 16 ans, tout comme son modèle Robinson Crusoé au moment de son grand départ. Son ami François, un garçon chétif et trop sage pour devenir le compagnon de route de Meaulnes, rêve cependant lui aussi d’un ailleurs ; il s’enfuit via la lecture. Un voyage immobile.


Pour en venir à la littérature coréenne, un récit chanté, « Heungbuga », comporte un passage pouvant satisfaire le désir d’une grande croisière partagée par les adolescents. Au printemps, voilà les hirondelles de retour. D’où reviennent-elles ? D’un ailleurs. Alors que ces oiseaux ont traversé la mer, l’auteur anonyme de « Heungbuga » a imaginé un tout autre parcours : un vol au-dessus du vaste territoire chinois. Pourquoi ? Eh bien, pour permettre à l’auditoire de visiter de manière imaginaire les plus célèbres lieux de l’empire du Milieu.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Hymne à la jeunesse » chanté par le groupe Singsing.
  2. «Neoyoung Nayoung  » chanté par le groupe Arisu.
  3. « Voyage des hirondelles » chanté par Park Kuy-hee.

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