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Ajaeng hier et aujourd’hui

Ecoutez cet instrument de musique qui se présente et essayez de l’identifier.


Je suis un instrument à cordes coréen, le plus grand dans son genre. Mon corps, en bois de paulownia, un arbre noble, le seul lieu de repos du phénix, mesure à peu près 160 cm de long et 25 cm de large. Je suis né avec sept cordes en soie torsadées. Au fil du temps, je n’ai cessé d’en réclamer plus, jusqu’à 12 pour rivaliser avec le gayageum, le chouchou de la plupart des amateurs de gukak


Pauvre gayageum, on lui fait mal pour le faire chanter ; on pince ses cordes, fines et sensibles comme le cœur d’une adolescente. Quant aux miennes, elles sont assez épaisses. On les frotte avec une baguette, une branche de forsythia pelée et durcie avec de la résine de pin, pour entendre le son semblable à la voix rauque, mais curieusement séduisante d’une femme d’un certain âge.


Dans une musique d’ensemble, la plupart du temps, je ne suis malheureusement qu’un auxiliaire. Rarement on fait de moi une vedette. Je suis néanmoins fier de figurer parmi les rares instruments de musique traditionnels que l’on entend dans des films, notamment dans une scène où se prépare un événement tragique, la séparation forcée des amoureux par exemple.


Tiens, j’allais oublier : mon nom est indissociablement lié à celui d’un certain Kim Un-ran.


Oui, il s’agit du ajaeng, le violoncelle coréen si m’on veut. Le son grave et relevant d’une tristesse inconsolable de cet instrument explique le choix d’un homme évoqué dans la présentation du ajaeng par lui-même.


Kim Un-ran, un virtuose légendaire du ajaeng de Joseon, n’aurait cependant jamais songé à devenir un musicien avant qu’un malheur fatal ne lui arrive. Il était issu de la noblesse. Et comme tous les jeunes du même rang social, il rêvait de servir l’Etat, de se voir confier une charge lourde et noble.


Candidat au « kwageo », le concours de recrutement des fonctionnaires, le voici admis à la présélection, ce qui lui donne droit d’intégrer Sungkyunkwan, l’ENA de Joseon en quelque sorte, et de se préparer à l’examen final dans ce prestigieux établissement. Est-ce à cause de la lecture acharnée ? Il est, en effet, malheureusement, atteint de cécité. On imagine son désespoir.


Il semble que le jeune homme handicapé a toutefois cherché un moyen de réaliser son rêve autrement. Rappelons que dans une monarchie, servir l’Etat revient à servir le roi. Or, il existe bien d’autres postes que celui d’agent administratif pour rendre service au souverain : les gardes qui veillent à sa sécurité, les cuisiniers qui lui préparent un bon repas, les dames d’honneur qui sont prêtes à réconforter Sa Majesté quand il veut ou les musiciens qui lui offrent le plaisir des sons.


Au sein de la cour royale de Joseon, il existe justement un orchestre composé exclusivement de musiciens non-voyants, le kwanhyeonmaeng, créé selon les annales de cette dynastie par pitié pour les handicapés, afin de leur assurer un revenu stable. Pour un tout autre objectif que de gagner sa vie, Kim Un-ran songe à intégrer cet orchestre bien particulier et choisit de se spécialiser dans l’ajaeng.


Au fil du temps, l’ajaeng n’a cessé d’évoluer, jusqu’à ce qu’on voir apparaître pour certains « une invention absurde ». Dans ce nouveau modèle, les cordes ne sont plus en soie, mais en métal ; elles ne sont par ailleurs plus à frotter avec une baguette, mais à pincer. Pour tout dire, ce n’est plus tout à fait un ajaeng.


Cette invention a sans doute été réalisée pour s’adapter à un nouveau genre musical à grand succès dès son apparition, le « sanjo » créé dans les années 1890 par un certain Kim Chang-jo, un virtuose du gayageum, le « jazz coréen » pourrait-on dire, d’autant qu’il est caractérisé par l’improvisation. Etant donné que ce nouveau style musical privilégiait le gayageum, on peut dire que le nouveau type d’ajaeng est né d’une rivalité avec lui.


Mais chaque instrument de musique a son charme. C’est aux musiciens de le mettre en valeur, et ce notamment en exploitant ses qualités de différentes façons. Un exemple : alors que traditionnellement, un chant accompagné au ajaeng était impensable, une musicienne de gukak contemporaine, Jun Man-jin, a tenté l’impossible.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Sanjo pour ajaeng du style Park Jong-sun » joué par Kim Young-kil.

2. « Sanjo pour ajaeng du sytle Yun Yun-seok » joué par Shin Hyun-sik.

3. « Un quart d’heure semblable à trois ans » chanté par Park Jin-gee avec Jin Min-jin au ajaeng.

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