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Le yanggeum

Parmi les cordophones utilisés dans la musique coréenne traditionnelle, le yanggeum est le seul à comporter des cordes, non pas de soie, mais d’acier. En fait, comme son nom l’indique, cet instrument de musique est d’origine étrangère. Son introduction dans la Corée de la dynastie Joseon et son intégration dans le gukak sont une véritable histoire.


Imaginons une scène. Vers la fin du XVIIe siècle, un membre de la délégation diplomatique coréenne en Chine se promène dans les rues de Pékin. Attiré par un son clair et exotique, il entre chez un brocanteur. Aucun client dans la boutique. Pour se distraire sans doute, le patron est en train de jouer d’un instrument de musique. C’est un cordophone à la caisse de résonnance trapézoïdale. Le Coréen, qui vient d’entrer dans la boutique, n’en a jamais vu un comportant autant de cordes, pas moins d’une cinquantaine. Le commerçant, qui interprète, tant bien que mal, un air, les frappe avec de petits maillets. En apercevant le visiteur, il cesse de jouer.


« Quel est le nom de cet instrument ? » demande l’étranger, un assez bon sinophone du fait de sa profession. « Yangqing », répond le Chinois. « Est-il à vendre ? – Oui. » Les deux personnes négocient le prix. L’homme venu de Joseon achète cet objet de curiosité et le ramène dans son pays.


Yangqing ou yanggeum selon la prononciation sino-coréenne, appelé en français « tympanon chinois », est un instrument de musique d’origine européenne, l’un des trois types du dulcimer. Il aurait été introduit en Chine par des missionnaires, par Matéo Ricci selon une hypothèse.


Le yanggeum apporté en Corée via la valise diplomatique en quelque sorte aurait fait sensation dans la haute société de Joseon en raison de sa sonorité riche et exotique. Les snobs auraient été prêts à payer à prix d’or pour en posséder un, ce qui aurait activé son importation. En effet, au XVIIe siècle, le yanggeum n’est plus un objet si rare.


Cependant, on ne trouve toujours pas de musiciens coréens parfaitement éclairés sur le jeu de cet instrument dépaysant, au point de jouer une mélodie traditionnelle de son pays. On conclut alors que ce cordophone ne s’adapte pas à la gamme de gukak.


L’histoire du yanggeum est indissociablement liée au nom d’un certain Hong Dae-yong, un intellectuel de Joseon appartenant à l’école Silhak, un courant de pensée né au XVIIe siècle en réaction au mépris des confucianistes à l’égard de la science pratique. C’était un homme curieux de tout et éclairé dans divers domaines, un artisan habile aussi et un excellent joueur de geomungo et de gayageum. Une anecdote à ce sujet : lors de sa visite en Chine, ayant vu un orgue dans une cathédrale de Pékin, il prétendait que pourvu d’un financement, il pourrait en fabriquer un. C’était visiblement un homme fier de ses multiples talents. Et c’est probablement cette fierté qui l’aurait amené à lancer un défi : trouver une technique de jeu du yanggeum pour intégrer ce cordophone dans le gukak. Et il y parvint.


Même s’il en est venu à faire partie intégrante des instruments de musique de gukak, le yanggeum était relativement peu joué et encore moins en solo. Est-ce à cause de la difficulté d’accorder ses 56 cordes ? Peut-être que les Coréens ont finalement trouvé que sa sonorité, un peu trop riche à leur oreille, n’allait pas bien avec leur sensibilité, celle du peuple d’un « royaume ermite », une locution par laquelle les Occidentaux désignaient la Corée de la dynastie Joseon.


Une autre raison présumée pour laquelle le yanggeum n’était pas si populaire, c’est que cet instrument à cordes frappées ne permettait pas de produire un effet très apprécié par les amateurs de gukak, en matière d’interprétation instrumentale aussi bien que de chant : le vibrato. Dans le jeu d’un instrument à cordes pincées ou frottées, ce changement léger de la hauteur du son s’obtient par un mouvement du doigt sur la corde. Impossible donc pour un joueur de yanggeum d’exécuter une telle modulation ; il tient en effet dans chacune de ses deux mains un petit maillet.


Tout cela n’empêche pas certains jeunes musiciens de gukak du XXIe siècle de vouer un amour particulier au yanggeum et d’expérimenter de nouvelles techniques de jeu.


Liste des mélodies de cette semaine

1. « Gunak » avec Jang Yu-kyeong au geomungo et Cho Il-ha au yanggeum.

2. Un sanjo pour yanggeum avec Kim Kyeong-hee au yanggeum et Kim Cheong-ma au janggu.

3. « Teum » interprété par DongYang Gozupa.

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