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Cinéma & dramas

Sunset in my hometown : sitcom ou film ?

2018-08-01

Séoul au jour le jour

Le nouveau film de Lee Joon-ik reprend le thème des musiciens en galère de ses films précédents, mais évoque surtout l'évolution de la hiérarchisation régionaliste sud-coréenne. Si les thèmes abordés sont aussi triviaux que réels, bien dans la manière du cinéaste, la réalisation est celle d'un drama de base aussi affligeant qu’éloigné de la qualité attendue au cinéma.


* L'hyper régionalisme précurseur sud-coréen

Cette histoire d'un jeune rappeur qui retourne à contre-coeur dans sa région natale ( la province de Jeolla, dans le sud-ouest du pays) pour retrouver ses anciens coreligionnaires montre le durcissement et la théorisation de la ségrégation régionaliste. La mégalopole de Séoul est incontournable à la tête de la hiérarchie sociale dans les discours et les têtes tout en restant rejetée dans les cœurs. Si ce processus est connu en France, même si plus lentement mis en place, la spécificité sud-coréenne est de théoriser l'affaire jusqu'à l'abstraction : les régions ne sont pas des lieux si différents que cela. On ne voit presque rien de Byeonsan, si ce n'est des bouis-bouis et des hôpitaux comme partout ailleurs. L’attachement au pays natal est théorique tout comme la hiérarchie inspirée des statuts monarchiques selon lesquels en fonction de son rang on se rapproche géographiquement du roi. Donc, malgré les discours sentimentaux sur la beauté de Byeonsan, personne n'y croit vraiment. Les espaces réels écrasés par la hiérarchie pyramidale faite de symboles théoriques, sont interchangeables, et n'existent pas vraiment face aux relations sociales et ses réseaux, et c'est d'ailleurs cela que montre le film. Involontairement, le coup de poing final à la gueule du père adressé par le rappeur devient le coup destiné à la tête de la hiérarchie théorique. Mais le rappeur s'en excuse à la fin, tout en se mariant, se replaçant ainsi dans le système de l'échec social au sommet donc à Séoul qui entraîne le repli sur un mariage en région.


* Pourquoi les musiciens galèrent-ils au pays de la K-pop ?

Pourquoi tant de misère pour les musiciens dans le pays de la K-pop ? C'est la question qu'on se pose en voyant cette histoire. Le rappeur passe dans un radio-crochet télévisé et échoue. Les émissions de sélection de nouveaux talents ont remplacé les anciens systèmes de promotion des chanteurs. Ce n'est plus la performance du musicien qui remplie les poches des médias et des producteurs mais sa découverte, le dévoilement plus ou moins scénarisé de sa vie privée, et de son ascension sociale et médiatique. Si on refuse de jouer le jeu, on est mis au rencart. De plus, être sélectionné comme nouveau talent médiatique équivaut à la signature d'un contrat aux conditions draconiennes qui prive des libertés fondamentales. Dans le film, le rappeur tente d'abord de cacher son accent, son dialecte du Sud et son origine régionale et pauvre pour correspondre aux représentations standardisées.


* Le rap du pays du Matin clair

Les meilleurs moments du film ne sont pas visuels mais dans la bande-son et ses morceaux de rap sud-coréen. Le rap est loin d'être une musique dominante dans le pays, mais il touche beaucoup les jeunes générations dans des versions édulcorées décalquées du rap américain de MTV. Il reste le signe d'une vague rébellion et d’un usage travaillé de la langue comme le montre la jeunesse du personnage principal joué par Park Jung-min (qui, en passant, n'est pas natif du Jeolla). Il passe son temps à chercher des rimes et des rythmes sonores pour ses textes. Ici la rébellion du rappeur semble liée à son conflit avec son baroudeur de père et à la disparition prématurée de sa mère. Pas de quoi fouetter un chat. 


* Un sitcom balancé sur grand écran ?

La réalisation affligeante du film laisse penser que le scénario a pu être rédigé pour une série de sitcom puis transformé en pâté pour grand écran. La succession indigeste de saynètes tant à le prouver. Lee Joon-ik semble vraiment attaché à l'idée du retour au bercail, mais n'a pas dû souvent mettre l'oeil à la caméra tellement la réalisation semble branchée en pilote automatique. Il mise aussi (trop) sur la performance plutôt réussie de Kim Go-eun en bonne grosse copine et de Park Jung-min bien plus caricatural en gentil mauvais garçon de téléfilm du week-end. La meilleure situation visuelle du film s'inscrit dans l'humour trivial de Lee Joon-ik avec le running-gag d'un malade hospitalisé qui ne peut s’empêcher de se faire dessus bruyamment. Cette situation est peut-être la clef de voûte qui supporte l'impression générale que donne le film.

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