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Cinéma & dramas

Le cinéma coréen a 100 ans

2019-01-02

Séoul au jour le jour

ⓒGetty Images Bank

Le cinéma coréen fête officiellement ses cent ans cette année. A quoi cette date du 27 octobre 1919 correspond-t-elle exactement ? Car comme nous allons le voir, le cinéma avait déjà, à cette date, connu plusieurs formes en Corée qui vont de la tradition des images animées au kino-drama en passant par la période des « byeonsa » superstars.


* 1903 et les images animées

Si dès 1901 la presse coréenne évoque les « hwaldong sajin » alias les images animées vues en Russie, c'est en 1903 que des projections d'images animées ont effectivement lieu au Hwaldong Sajinso Danseongsa de Dongdaemun à Séoul. L'affaire est liée à la nouvelle centrale électrique réalisée par des Américains, au nouveau tramway, fierté de l'empereur Gojong, et à la vente de tabac. Un billet de tramway ou dix paquets vides s'échangent contre un ticket de projection. Et, comme le raconte l'historien Kang Chang-il (dans un livre à paraître), ce sont des films français de la société Pathé qui sont projetés, continuant ainsi à animer les photos déjà vues dans les journaux locaux, et donnant vie à un monde exotique qui va bientôt transformer la vie quotidienne des Coréens. Comme le précise Kang, et malgré les dénégations des historiens anglophones, c'est encore un Français nommé Martin qui organise des projections dans l'hôtel qu'il possède à Séoul : l'Astor House. Si les projections sont encore accompagnées de spectacles vivants, danses et chants, en particulier de gisaeng, à l'Astor House cela se fait en intérieur. Tous cela se déroule, toutefois, en parallèle avec l'arrivée du travelogue américian Burton Holmes dont l'histoire est mieux connue.


*Burton Holmes et les premiers tournages

Dès 1901, Burton Holmes est dans la péninsule avec une caméra Pathé pour y tourner les premiers documentaires sur le pays du Matin clair. Il rencontre un prince qui lui présente l'empereur Gojong en personne. La particularité importante des séances d'Holmes est de le voir lui-même commenter ses images. Le bonimenteur appelé « byeonsa » en coréen va devenir la clef de voûte de la période des kino-drama, ces spectacles multimédias, organisés par Park Seung-pil, celui qui est donc officiellement le producteur du premier « film » coréen de 1919. Notons, qu'à cette époque, les grandes stars de la jeune Hollywood sont déjà connues et enviées par une jeunesse éprise de liberté et fascinée par ce qu'elle voit sur les images venues d'Occident.


*Kino-drama et byeonsa

Park Seung-pil dirige le théâtre Dansongsa de Dongdaemun et produit une troupe de shinpa, le nouveau style théâtral naturaliste de l'époque. Il s'associe aussi avec un byeonsa, un bonimenteur qui est déjà célèbre Kim Dok-kyong, pour produire et annoncer à grand renfort de pub dans la presse le premier Yeonswaeguk coréen (kino-drama) au titre de « La Juste Vengeance » et qui sera projeté en octobre 1919. Il faut se souvenir que la Corée et alors une colonie japonaise et qu'en mars 1919 a lieu le premier soulèvement populaire contre l’occupation. La révolte est réprimée et les policiers coloniaux vont vite s'inquiéter des discours politiques tenus par les byeonsa lors des projections de Kino-drama. Car ces spectacles n'incluent, en fait, que peu d'images animées ; ce sont des transitions ou des introductions à de vrais jeux sur scènes des acteurs et chanteurs, et surtout à un narrateur, bruitiste, imitateur et libre interprétateur présent dans la salle : le byeonsa. Vu le succès de ces derniers, la police coloniale s’inquiète, et un scandale arrive dès 1920 avec l'arrestation du byeonsa Jeong Han-seol. Les byeonsa seront désormais surveillés, leurs textes écrits à l'avance.


*La révolution moderne par le cinéma

Le mode de vie moderne fait son entrée avec le cinéma comme le tramway et les femmes aux cheveux courts qui fument des cigarettes à l'écran. Pour les conservateurs coréens comme pour ceux d'Europe, le cinéma est l'écran du diable. Et le diable a du succès. Le gouvernement colonial le comprend et s'en mêle en produisant le premier film qui se suffit à lui-même (sans jeu de scène ni danses ou chansons) « Le Vœu Fait au Cair de Lune » en 1923. Le film sert, indirectement, à promouvoir l'épargne bancaire. En même temps, les salles se divisent entre celles des films avec byeonsa parlant japonais et celles où les byeonsa parlent coréen. Le cinéma, avant même d'être parlant, devient un enjeu politique et économique. En 1926, le film « Arirang » de Na Un-gyu, cinéaste formé au contact des Russes, rempli de suggestions anti-coloniales, aura fort à faire avec la censure et sera porté par le public comme un étendard de sa révolte pour l'indépendance.

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