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Culture

Les femmes écrivains coréennes (1) : Oh Jung-hi (4)

2014-10-02

Les femmes écrivains coréennes (1) : Oh Jung-hi (4)
« L'oiseau », roman d'Oh Jung-hi traduit du coréen par Jeong Eun-jin et Jacques Batilliot, paru aux éditions du Seuil en 2005.

* Extrait :
Une fois l'installation dans une nouvelle maison avec les enfants terminée, le père va chercher sa femme. Il rentre le soir avec une très jeune femme aux lèvres rouges et aux cheveux dorés. Umi et Uil ont désormais une nouvelle maman.

Pages 30 à 32 :
Elle venait sans doute de très loin. Cela se devinait à son grand et magnifique coffre. Nous aussi quand nous étions partis vivre loin, chez l'oncle maternel et ensuite chez l'oncle paternel, nous avions un grand sac contenant nos affaires.
Qu'y avait-il dans son coffre ? Elle en a sorti cinq paires de chaussures pour les disposer sur du papier-journal étalé dans un coin de la chambre. Rouges, vertes, noires, blanches, et une paire à talons hauts couleur argent ! La chambre s'en est trouvée illuminée tout à coup.
– C'est pour te faire la belle que tu t'es acheté autant de chaussures ? Tâche de ne pas oublier que tu es à moi. Pas question que je te laisse partir. J'ai tout misé sur toi.
L'air mécontent, mon père reluquait les chaussures. [...]
Le lendemain du jour où la femme est arrivée, Uil et moi avons vu dans la cour un homme qui soulevait un haltère. Malgré le froid, il ne portait qu'un maillot et un pantalon de survêtement rouge retroussé jusqu'aux genoux. Quand il a soulevé l'haltère en poussant un cri, son visage mal rasé s'est empourpré et ses yeux ont semblé vouloir jaillir des orbites. [...]
Après avoir posé l'haltère, l'homme a soufflé longuement. Puis il nous a tendu la main. Comme nous nous cachions les mains derrière le dos en riant, il les a prises de force et les a secouées énergiquement.
– C'est vous qui avez emménagé hier. Bienvenue. Maintenant, on vit sous le même toit.
C'était monsieur Yi, le camionneur.


Les enfants découvrent que c'était bien un oiseau qu'ils avaient entendu le premier jour. Son cri venait de la chambre de monsieur Yi, en face de chez eux, de l'autre côté de la cour.

Pages 32 à 34 :
[...] Alors que nous nous efforcions de scruter l'intérieur de sa chambre, il est sorti en tenant une cage. Un petit oiseau gris foncé avec une tache blanche sur la poitrine, suspendu aux barreaux, chantait et s'aiguisait le bec. Dans la cage, il y avait des coupelles contenant du millet, des légumes, de l'eau. Il y avait aussi un miroir.
– Je l'ai mis là pour qu'il tienne compagnie à l'oiseau. Il croit que c'est un copain.
En voyant son image dans le miroir, l'oiseau s'est mis à la becqueter en battant les ailes.
– T'es un oiseau idiot, ai-je dit.
Comme s'il m'avait comprise, il m'a toisée de ses yeux ronds comme des points. Uil l'a regardé aussi en écarquillant les yeux, sans ciller. [...]
[...] Monsieur Yi a accroché la cage à un fil de fer sous le rebord du toit.
– Si je pose la cage à terre, il risque de se faire manger par un rat. Et puis, les oiseaux, ça vit dans le ciel, comme les anges ou les sages taoïstes, pas vrai ? Il ne doit pas aimer le monde d'en bas ; c'est sale et boueux, et ça grouille de méchants qui veulent le bouffer.
Comme la cage était suspendue à la hauteur des yeux de monsieur Yi, il nous était impossible de regarder à l'intérieur, même en nous tenant sur la pointe des pieds et en allongeant le cou. Uil ne voulait pourtant pas s'en aller. La tête renversée en arrière, il regardait en l'air. Sa grosse caboche semblait sur le point de se décrocher.
– Tu veux le voir ? On dirait que tu aimes les oiseaux.
Monsieur Yi a détaché quelques briques du mur. Il était fort. Il a concentré cette force dans ses mains et elles se sont détachées sans bruit. Il y avait juste assez de place pour se tenir sur la pointe des orteils, mais les briques faisaient un excellent marchepied. Je voyais très bien l'intérieur de la cage, comme si je volais moi aussi.

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