Aller au menu Aller à la page
Go Top

Culture

L'auteur et son sujet fétiche (2) : Pyun Hye-young et la peur (3)

2015-03-19

L'auteur et son sujet fétiche (2) : Pyun Hye-young et la peur (3)
« Cendres et rouge », roman de Pyun Hye-young traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel, paru chez Philippe Picquier en 2012.

* Extrait :
T-K suit les deux hommes qui l'ont retenu pour effectuer des examens complémentaires à cause de sa température plus élevée que la normale. Un médecin lui fait une prise de sang. En fin d'après-midi, celui-ci revient avec une enveloppe.

Pages 10 à 11 :
[...] Une fois rhabillé, T-K parcourt les feuilles qu'on vient de lui remettre. Certes, il lui paraît absurde de signer après coup un document validant sa mise en quarantaine, mais il est si pressé de sortir de là qu'il griffonne rapidement son nom au bas de la page. Il signe aussi les résultats d'analyses après avoir écouté les brèves explications du médecin – il est encore trop tôt pour établir un diagnostic, semble-t-il dire. Il faudra surveiller l'évolution de son état de santé, mais pour l'instant il peut partir. Il est libre d'entrer en C. Il aurait besoin d'un peu de temps pour lire les résultats de la prise de sang et poser des questions, mais il a hâte de quitter les lieux. Le médecin glisse les papiers signés dans l'enveloppe et lui demande où il a l'intention de séjourner. T-K lui montre le contrat de location que Mol – à la DRH de la maison mère – lui a fait parvenir en même temps que les clés de l'appartement et un itinéraire très détaillé pour s'y rendre. En recevant le paquet, T-K a éprouvé une certaine appréhension. Face à l'évidente efficacité de son collègue, il a craint de ne pas être à la hauteur.
Le médecin appelle le numéro indiqué sur le contrat et demande à parler à la personne dont le nom figure sur la feuille, qui n'est autre que le directeur de la filiale. T-K se sent rassuré car la veille, lorsque les services sanitaires de l'aéroport l'ont intercepté, il n'avait pas de moyen de communiquer à la maison mère et prévenir qu'il manquerait son premier jour de travail. Après avoir terminé la conversation téléphonique, le médecin lui rend son passeport. Tout excité à l'idée d'être bientôt libre, T-K oublie de demander quand il connaîtra le diagnostic définitif sans remarquer qu'un tampon rouge, dont il ne comprend pas la signification, a été apposé à côté du visa d'entrée sur son passeport. Il sort enfin de l'aéroport et prend un taxi.

Pages 14 à 15 :
Pendant tout le trajet, le chauffeur ne lui a pas adressé la parole. Il n'a fait qu'écouter les infos à la radio. Un présentateur et un journaliste parlaient à tour de rôle d'un ton grave, mais tellement vite que T-K ne reconnaissait pratiquement aucun mot. Il avait l'impression que les mêmes informations se répétaient en boucle. Au bout d'un moment, il ne les a plus écoutées que d'une oreille distraite – comme une simple musique de fond pour accompagner le paysage plongé dans la pénombre. Le reflet de son visage flottait comme un fantôme sur la ville qui défilait derrière la vitre. Un fantôme ! Un être sans consistance ni présence. Voilà qui définissait parfaitement ce qu'il était dans cette ville étrangère.
Il avait quitté sans regret ses collègues – leurs relations s'étaient passablement dégradées – et son ex-femme – Jin, qui avait été si proche de lui dans le passé, était devenue une étrangère –, et il était parti en C avec le sentiment de tout recommencer à zéro. Mais il avait eu beau se dire qu'une nouvelle vie lui était offerte et que tout irait mieux désormais, une vague de nostalgie l'avait envahi à l'idée de ne plus retourner dans son pays natal. Comme s'il en avait été banni. La tristesse de l'exil et l'espoir d'un renouveau s'étaient mêlés en lui, faisant battre son cœur si fort qu'il avait été obligé de presser sa main sur sa poitrine pendant tout le trajet.

Contenus recommandés

Close

Notre site utilise des cookies et d'autres techniques pour offrir une meilleure qualité de services. En continuant à visiter le site, vous acceptez l'usage de ces techniques et notre politique. Voir en détail >