Ceux qui s’intéressent au cinéma sud-coréen connaissent évidemment le nom de Im Kwon-taek. Celui qu'on appelait familièrement par son prénom Kwon-taek dans les premiers festivals occidentaux auquel il a participé. Le vétéran de 79 ans, après quelques années difficiles de silence, vient de réussir à sortir un nouveau film intitulé « Revivre ». C'est pour nous l'occasion de revenir sur une œuvre de toute une vie qui a eu un rôle non négligeable pour le cinéma du pays du matin Clair.
*Des débuts dans le cinéma des « quotaquickies »
Im Kwon-taek, provincial monté à Séoul, a été l'assistant de Chung Chang-hwa, un réalisateur prolifique de films de genre. Il débute ensuite sa carrière de réalisateur : l'une des plus prolifiques du cinéma sud-coréen avec parfois cinq films par an ! C’est dans les années 60, dans le cadre des « quotaquickies » instaurés après l’arrivée au pouvoir du général Park Chung-hee. Il s'agit de fabriquer rapidement le plus de films sud-coréens possibles pour pouvoir importer quelques blockbusters hollywoodiens, limités par des quotas, qui rapportent gros. Il faut dire, qu'à cette époque ingrate, le public sud-coréen boude son cinéma national. Mélodrames à la trame usée jusqu'à la corde, films de guerre anti-communistes, films érotiques, rien ne manque à la panoplie du jeune réalisateur Im Kwon-taek durant cette période. Il n'en restera presque rien dans l'histoire, et Im n'a pas alors l'aura d'un cinéaste de premier plan, d'autres comme Shin Sang-ok ou Yu Hyun-mok, ses aînés, sont largement plus créatifs.
*La découverte
En 1981, le film « Mandala », nous fait découvrir un nouveau Im Kwon-taek. Probablement lassé des films en série, il tente de traduire son goût à la fois pour les femmes et pour le bouddhisme au cinéma. Alors que la première Nouvelle Vague se profile à l'horizon, la fin des années 1980 livrent les films de Im qui auront un succès local important et partiront dans les festivals internationaux : « Ticket » sur les prostituées, « La Mère Porteuse » avec la star Kang Soo-yeon sur les pratiques familiales de l'aristocratie, « Adada » et « Aje Aje Bara Aje » encore sur le bouddhisme.
*La renommée
A partir des années 1990, Im devient le représentant officiel du 7e art sud-coréen dans le monde. En même temps, il donne le coup d'envoi de la vague néo-nationaliste avec «Le Fils du général », et néo-traditionnaliste avec « Seopyeonje » et « Les Monts Taebaek ». Les festivals occidentaux en redemandent, et il travaille plus ou moins avec eux pour « Chunhyang » et « Ivre de femmes et de peinture », ses deux films internationaux.
* Le reflux des années 2000
Contesté localement en tant que représentant du cinéma national et boudé par les festivals internationaux qui jugent ses films vieillots, Im Kwon-taek passe dix mauvaises années avec quelques films passés inaperçus et ignorés par tous. Mais le vétéran s'entête et, presque comme un jeune cinéaste indépendant, il se lie avec un petit distributeur pour préparer « Revivre », une adaptation d'une nouvelle de Kim Hoon, lauréat du prix littéraire « Yi Sang » en 2004. Il retrouve son acteur fétiche Ahn Sung-ki et lui donne le rôle d'un quinquagénaire, socialement bien installé, qui est atteint par le démon de midi, et se déchire entre sa femme malade d'un cancer et une jeune employée séduisante.
* Testament
Sans pouvoir espérer une sortie digne de ce nom en Corée du Sud, le public de « Revivre » est avant tout celui des festivals internationaux. Venise et Berlin en particulier, les premiers à avoir promu les films de Im Kwon-taek. Sans surprise, ni dans le style ni dans le récit (toujours semblable au discours discontinue d'un noctambule imbibé de soju), le film peut pourtant être vu comme le testament du cinéaste : la passion pour les femmes, l'adultère, la prostitution, le mariage ou la liaison dangereuse, aura été le leitmotiv de sa carrière. Il faudrait donc « revivre » pour en avoir d'autres. A cela s'ajoute le rêve d'un pouvoir qui toujours vacille et surtout celui d'un corps qui dépéri sans cesse. Ce qui restera de ce film seront les scènes morbides de funérailles et de toilettes des cadavres. Un nihilisme que le cinéma de Im Kwon-taek a toujours eu de manière latente mais que cette oeuvre-testament confirme.