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Culture

Les nouvelles (1) - « Rumeurs » de Baek Ka-hum (2)

2016-01-14

Les nouvelles (1) - « Rumeurs » de Baek Ka-hum (2)
« Rumeurs », nouvelle de Baek Ka-hum traduite du coréen par Kim Jeong-eun, Lee Ho-yeon, Lee Seon-han, Pak Hyo-eun et Pak Yu-hyeong, sous la direction de Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, publiée dans « Nocturne d'un chauffeur de taxi » paru aux éditions Philippe Rey en 2014.

* Extrait :
Pages 46 à 48 :
Ceux qui passent au carrefour devant la pharmacie ne peuvent s'empêcher de jeter un coup d'œil à l'intérieur. Hwang, le pharmacien, en souffre : il a l'impression d'être le point de mire de tous. Il s'efforce de faire comme si de rien n'était.
Il s'est coiffé avec soin devant son miroir : il a tracé une raie bien droite et repassé le peigne dans ses cheveux gominés pour qu'aucun n'échappe au bel ordonnancement. Pas le moindre cheveu blanc sur la tête de ce septuagénaire (il se fait régulièrement des teintures).
« Rien de nouveau ? »
Le pharmacien grimace. Tout lui semble moquerie, jusqu'aux salutations de ses clients. La rumeur a enflé : n'importe quel habitant de Geum-gu est au courant de l'affaire de son fils, le directeur de la clinique située au-dessus de la pharmacie. Il enfile sa blouse, lentement, sans se donner la peine de répondre. Il jette un coup d'œil à la rue par-dessus l'épaule de son visiteur tout en attachant soigneusement les boutons l'un après l'autre.
« Qu'est-ce qu'il vous faut ? » demande-t-il avec un regard dur.
Comme la plupart des autres clients en ce moment, celui-ci feint d'exposer des symptômes, simple prétexte pour venir aux nouvelles.
« J'ai mal à la gorge.
— Très mal ?
— ... Vous n'en avez pas entendu parler ? Il y a un mois, dans une ferme de Gu-i, une femme a disparu. Il s'en passe des choses ici... »
Il n'est pas un client fidèle, ni de la pharmacie ni de la clinique, ce qui ne l'empêche pas de s'intéresser à cette histoire. Hwang trouve cela fort déplaisant.
« Je suis là pour vendre des médicaments. Voilà. »
Plongeant la main dans l'un de ses tiroirs, le pharmacien en tire une boîte de pastilles pour la gorge et la pose d'un geste sec sur le comptoir.
« Deux mille wons.
— Moi, je ne crois pas à toutes ces rumeurs. Est-ce possible que votre belle-fille, si jolie, si bien élevée, se soit comportée comme ils disent ? Les gens aiment faire courir des bruits sur les uns et les autres. Il ne faut pas y prêter attention. »
L'homme tourne les talons pour sortir. Le pharmacien n'arrive pas à le resituer. Il garde les yeux braqués sur la silhouette qui, de l'autre côté de la vitrine, s'éloigne à grandes enjambées.
Un mois plus tôt, par un de ces jours ordinaires où il ne se passe rien, la belle-fille de Hwang – c'est elle qui tenait la pharmacie – a disparu. Elle habitait à côté de chez ses parents ; tout le monde dans la famille savait que la jeune femme qui était née, avait grandi et fait ses études dans la ville voisine allait régulièrement voir des amis et des connaissances dans les environs. Comme elle rentrait souvent très tard, le pharmacien ne s'était pas inquiété tout de suite de son absence. Mais on ne l'avait pas revue le lendemain matin non plus. Sa superbe voiture de marque étrangère était bien garée à sa place habituelle. Apparemment, elle était sortie à pied. Retiré des affaires depuis quelque temps, le vieux pharmacien avait donc été obligé de remplacer sa bru et de reprendre son commerce.
Un mois s'était écoulé. Si Hwang n'avait pas osé lancer ouvertement un avis de recherche, c'était à cause d'une histoire qui courait dans le bourg. Dès le lendemain de la disparition, en effet, tout le carrefour de Geum-gu bruissait d'une rumeur : la jeune pharmacienne s'était enfuie avec un amant. C'est du moins ce que rapportaient toutes les personnes qui s'attardaient dans la salle de la coopérative agricole. L'histoire qu'on se murmurait était même assez précise et plutôt vraisemblable. Une infirmière de la clinique avait été la première à rapporter les faits au vieux Hwang. Avant de lui résumer ce qu'elle savait, elle lui avait confié qu'elle n'avait pas osé en parler à son fils, le docteur Hwang, l'époux de la pharmacienne. La jeune femme serait partie avec le commercial d'un laboratoire pharmaceutique. Tout en l'écoutant, le vieux monsieur se rappelait le visage d'un jeune homme. Il avait beau ne pas croire tout à fait ce qu'on lui rapportait, il se sentait profondément inquiet. [...]

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