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Culture

Les nouvelles (1) - « Rumeurs » de Baek Ka-hum (6)

2016-02-11

Les nouvelles (1) - « Rumeurs » de Baek Ka-hum (6)
« Rumeurs », nouvelle de Baek Ka-hum traduite du coréen par Kim Jeong-eun, Lee Ho-yeon, Lee Seon-han, Pak Hyo-eun et Pak Yu-hyeong, sous la direction de Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, publiée dans « Nocturne d'un chauffeur de taxi » paru aux éditions Philippe Rey en 2014.

* Extrait :
La rumeur enfle de plus en plus fort et ternie encore davantage la réputation des Hwang.

Pages 56 à 58 :
« Ce docteur Hwang... jamais je n'aurais imaginé cela de lui.
— Tout ça, c'est à cause de son père, il porte malheur. Il ne sait pas se montrer généreux. Y a qu'à voir sa femme, décédée si jeune...
— Ça n'a rien à voir avec cette affaire. En plus, le pharmacien Hwang n'a jamais fait de mal à personne... Vous allez un peu loin...
— Mais si, tout se tient ! Il a gagné beaucoup d'argent et, malgré cela, il n'a rien fait pour la ville.
— Ça alors ! Sous prétexte qu'on est riche, on serait obligé de faire preuve de générosité envers ses voisins ? C'est absurde ! »
Dans un grand tohu-bohu, chacun y va de son commentaire. Une nouvelle rumeur vient s'ajouter chaque matin à celle de la veille. L'histoire se complique, prend de l'ampleur. Ainsi filent les jours à Geum-gu.
« Eh bien, dit l'un, vous êtes complètement à côté de la plaque... En fait, il y a deux semaines, dans la clinique, lorsque les gens faisaient tout un scandale et que la police a débarqué, j'ai appris le fin mot de l'affaire : la pharmacienne s'est enfuie avec son amant à l'étranger, sans doute en Angleterre... C'est le docteur Hwang qui l'a dit.
— Mais non, réplique un autre, on sait depuis longtemps déjà que c'est faux ! Tu parles toujours des choses qui datent de je ne sais quand... Les policiers auraient forcément vérifié la liste des passagers des vols ! Ils n'ont toujours rien trouvé, alors ils cherchent des traces en ville. A mon avis, elle est certainement morte...
— Il a raison, ajoute un troisième. Elle a sûrement été kidnappée et tuée. On a même utilisé sa carte bleue, à ce qu'on m'a dit.
— Tuée ? Par son mari ?
— Non... sans doute pas. Mais, disons, il doit y avoir quelque chose... Partie avec son amant ou kidnappée par je ne sais qui. Et son mari, puisqu'il est hors de soupçon, la police le laisse tranquille.
— Alors, c'est peut-être avec le commercial du laboratoire pharmaceutique ?
— Ça m'étonnerait : je l'ai vu il y a quelques jours dans le quartier. »
Kim se laisse prendre peu à peu par ces histoires sur la pharmacienne, il finit même par oublier pourquoi il est venu au centre-ville.
« Je ne suis pas sûr, intervient le propriétaire d'un verger qui s'appelle Jang lui aussi, mais c'est ce que la patronne de L'Etoile m'a dit et je trouve que c'est bien possible.
— Qu'est-ce qu'elle raconte, celle-là ?
— Elle a entendu parler ses clients. En fait, dans la voiture de la pharmacienne c'était pas la pharmacienne. Quelqu'un a vu sa voiture au bord du réservoir, ça, vous le savez ? Mais c'était pas la pharmacienne, c'était la nord-Coréenne de la porcherie !
— Quoi ! »
Kim a bondi, poussant un cri malgré lui. Tous les yeux se tournent vers lui.
« Mais... la... la petite, sa fille, elle est où ?
— La fille ? Quelle fille ? »
Kim se précipite sur Jang comme s'il allait le battre.
« Racontez-moi, s'il vous plaît, vite !
— Mais qui êtes-vous ?
— Elle et moi, on vivait sous le même toit. Elle était sûrement avec sa fille. Bon, mais alors, qu'est-ce qui s'est passé au réservoir ?
— Euh... je ne sais pas trop... j'ai juste entendu dire ça. »
Jang voudrait s'esquiver discrètement, mais Kim – debout, il n'est pas plus grand que Jang assis – s'est planté devant lui. Dans la coopérative agricole, les gens tendent l'oreille.
« C'est tout ce que j'ai entendu. Si tu veux en savoir plus, va demander à la patronne du tabang.
— Eh quoi ! Vous dites qu'elle était avec un inconnu dans une voiture ? Ça n'a pas de sens !
— Mais pourquoi tu m'embêtes comme ça ? Moi, j'en sais rien ! »
Là-dessus il s'en va, bousculant Kim au passage. Les gens s'attendaient à une scène spectaculaire. Déçus, ils commencent à se disperser, tandis que Kim court derrière le propriétaire du verger qui s'empresse de sortir.

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