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Culture

Les nouvelles (2) - « L'homme aux neuf paires de chaussures » de Yun Hung-kil (6)

2016-04-21

Les nouvelles (2) - « L'homme aux neuf paires de chaussures » de Yun Hung-kil (6)
« L'homme aux neuf paires de chaussures », nouvelle de Yun Hung-kil traduite du coréen par Im Hye-gyong et Cathy Rapin, publiée dans « La Mousson » paru aux éditions Autres Temps en 2004.

* Extrait :
Un jour, Yi, le policier, rend visite à M. Oh à l'école.

Pages 127 à 128 :
« Comme ça, c'est impossible ! Tout simplement impossible !
– Bon, mais si j'avais eu quelque chose à rapporter, je vous aurais téléphoné.
– Appelons ça de la collaboration plutôt que du rapportage. Bon, alors vous dites qu'il n'y a pas eu matière à collaboration jusqu'à présent ?
– Rien du tout !
– Bon, écoutez M. Oh, ce M. Kwon a laissé tomber son boulot il y a cinq jours. Ça ne vous dit pas quelque chose ?
– Il a tout laissé tomber ? Alors, il est encore au chômage ?
– C'est bien ça. Il a tout plaqué avec la maison d'édition. Mais, cette fois-ci, les circonstances sont un peu différentes. Au lieu de faire docilement ce que les auteurs demandaient, il n'a cessé de les corriger et de leur faire remarquer leurs fautes. Donc, le directeur l'a appelé et enguirlandé devant tout le monde : "Pour qui vous prenez-vous ? Comment osez-vous vous mesurer à des auteurs reconnus !" Depuis, il ne s'est plus représenté.
– Ce matin-là, il semblait s'en aller travailler, comme d'habitude... Hier aussi...
– Maintenant, vous comprenez pourquoi je vous ai demandé de garder un œil sur lui ?
– Quel besoin de collaborer avec vous, vous pouvez tout savoir sans bouger de votre fauteuil ? »
Ce policier sorti de fac avec une licence me fit un sourire entendu.
« Que M. Kwon soit encore au chômage est très significatif. Je pense qu'à partir de maintenant vous allez commencer à reconnaître clairement quel est votre rôle. Aucun de nous deux ne pourra se reposer avant qu'il n'ait trouvé du travail. »
J'étais fatigué de répéter que je n'avais aucune raison de surveiller et de protéger M. Kwon. La seule erreur que j'avais pu commettre avait été de louer une chambre à sa famille, et le policier Yi aurait pu le comprendre aussi bien que n'importe qui. Après avoir discuté de choses et d'autres, nous en étions revenus au problème Kwon.
« Est-ce que M. Kwon a été un des cerveaux lors de cet incident ?
– Je ne connais pas les détails ; c'est arrivé avant que je devienne policier. Mais c'est clair que c'était un meneur plutôt qu'un des cerveaux. La preuve qu'il nous a laissée n'aurait pas pu être plus claire. Nous avons des photos de ceux qui ont retourné des Jeep de la police et qui les ont brûlées, des photos d'individus jetant des pierres, des photos de gens conduisant un bus en dévalant une rue à toute vitesse, et M. Kwon était toujours en tête.
– J'ai du mal à y croire. Est-ce que vous voulez dire que quelqu'un qui ne peut même pas soulever un baluchon de couvertures a pu conduire une émeute ?
– Bon, ce qui est vrai, c'est que, dès qu'il est au chômage, il saute un repas aussi souvent qu'il mange. Ça, vous pouvez le croire.
– Celui qui jeûne alors qu'il peut très bien y remédier ne doit sûrement pas avoir faim quand il jeûne.
– Mon cher professeur, je vous en prie, ne faites pas semblant d'être si dur. Comme je vous l'ai dit la dernière fois, je suis sûr que vous finirez par l'aimer. »
Comme si le policier Yi n'avait pas la moindre idée de ce que c'était qu'aimer, sûr de lui, il s'en alla en riant. Il semblait penser qu'aimer son voisin était aussi simple que de sortir une pièce de sa poche. Depuis un certain temps, il m'était arrivé à moi aussi d'entendre une voix grave qui retentissait dans les airs quand je me retrouvais seul : « Aime ton voisin, aime les gens de Tandaeri, aime les gens des lotissements de vingt pyong... »

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