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Culture

Les nouvelles (2) - « L'homme aux neuf paires de chaussures » de Yun Hung-kil (7)

2016-04-28

Les nouvelles (2) - « L'homme aux neuf paires de chaussures » de Yun Hung-kil (7)
« L'homme aux neuf paires de chaussures », nouvelle de Yun Hung-kil traduite du coréen par Im Hye-gyong et Cathy Rapin, publiée dans « La Mousson » paru aux éditions Autres Temps en 2004.

* Extrait :
C'est après un incident que M. Oh a décidé de quitter Tandaeri.

Pages 128 à 130 :
[...] J'étais en train de rentrer du travail, et non loin de chez moi, j'aperçus un groupe d'enfants jouant près du fossé des égouts. Notre petit Tong-jun était parmi ces enfants turbulents. Je le regardais fièrement, à une certaine distance, m'émerveillant de le voir déjà assez grand pour se lier avec les gosses du quartier. Son visage était plus pâle que d'habitude, peut-être à cause des autres visages qui étaient particulièrement sombres. Le fils du brocanteur, en particulier, avait l'air de sortir tout droit d'une cheminée. Tong-jun lui cria quelque chose. Puis, ce gosse au visage de suie commença à sauter à quatre pattes comme une grenouille. Tong-jun lui lança quelque chose juste devant lui. Je remarquai alors que ce petit vaurien tenait contre sa poitrine quelque chose qui ressemblait à une boîte de gâteaux. Le fils du brocanteur ramassa avec sa bouche un gâteau et le croqua sans l'avoir dépoussiéré. Après l'avoir fini, il eut un large sourire découvrant ses dents blanches et reprit sa position de coureur au départ. Tong-jun lui cria de nouveau quelque chose. Cette fois, « Boule de suie » prit appui d'une main sur le sol, se pinça le nez avec l'autre et commença à tourner frénétiquement. Mais, au bout de cinq ou six tours, il tomba face contre terre. Il se releva, tourna encore, puis chuta de nouveau. On aurait dit qu'il voulait finir un certain nombre de tours qui lui avait été ordonné. Je n'avais pas le compte du nombre de tours déjà effectués, mais après avoir terminé, le garçon était trop étourdi pour rester debout. C'est alors que Tong-jun cracha sur un gâteau et le jeta par terre. Puis il essaya sans doute de persuader les autres de participer. Mais les gosses ne faisaient que regarder par terre, tous en cercle, sûrement avec l'eau à la bouche, découragés face aux exigences de Tong-jun qui étaient devenues de plus en plus sévères. Ce dernier leva alors un gâteau en l'air et le lança aussi fort que possible vers le ruisseau s'écoulant dans l'égout. Sans hésitation, le fils du brocanteur se laissa glisser le long d'un mur de soutènement au-dessous d'une digue. Je connaissais ce ruisseau depuis longtemps. Les eaux usées des usines et les ordures ménagères s'y rassemblent et sont ainsi drainées vers un plus large égout qui se jette dans le fleuve Tan.
[...] Je me précipitai alors sur Tong-jun, lui arrachai la boîte de gâteaux et la lançai dans le ruisseau. Puis je décochai une gifle à ce vaurien. Je voulais aussi mettre une raclée au fils du brocanteur, mais tous mes efforts étaient dirigés contre mon propre fils. Après l'avoir giflé plusieurs fois, je m'avisai de regarder ce qui se passait derrière moi et là, je vis le fils du brocanteur poursuivant la boîte de gâteaux en descendant, comme sur un toboggan, dans les remous du ruisseau sale.
Cette nuit-là, ayant crié à ma femme que nous devions faire tout ce que nous pouvions pour sortir de cet horrible quartier, je ne puis fermer l'œil. [...]
Comme mes amis, je croyais que nous ne devions pas mépriser les pauvres, mais qu'il était normal de regarder les riches de haut. C'était simplement normal et naturel d'agir ainsi. M'appeler « humaniste » n'est en aucune façon le comportement adéquat qui pourrait détériorer une amitié. Mes amis et moi étions déçus que de nombreux avantages sociaux, accordés par le gouvernement, n'atteignent pas assez le bas de l'échelle sociale. Lorsque nous rencontrions dans la rue, dans un café ou dans un journal, des gens dont la vie était en fin de course, nous essayions de compenser ces circonstances malheureuses par des insultes vicieuses envers ces ploutocrates mercenaires qui étaient en train de ratisser l'argent par n'importe quel moyen. Nous considérions que c'était notre devoir et notre tâche, en tant qu'individu ayant reçu une éducation, de ne pas ignorer les difficultés de ceux qui ne pouvaient pas avancer davantage dans la vie.

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