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Culture

Les nouvelles (3) - « Hôtel Plaza » de Kim Mi-wol (3)

2016-09-01

Les nouvelles (3) - « Hôtel Plaza » de Kim Mi-wol (3)
« Hôtel Plaza », nouvelle de Kim Mi-wol traduite du coréen par Lucie Angheben, Cho Eunbyul, Elisabeth Hofer, Gwénaëlle Pompilio et Shin Sun-mi avec le concours de Choi Mikyung et de Jean-Noël Juttet, publiée dans « Nouvelles de Corée » paru aux éditions Magellan & Cie en 2016.

* Extrait :
La fille s'appelait Yun-seo. Comme elle avait redoublé sa terminale, elle était plus âgée que notre narrateur.

Pages 18 à 19 :
Yun-seo, Yun-seo... Chaque occasion de prononcer son nom était pour moi un petit bonheur comme lorsqu'on vous rend trop de monnaie. Mais ces aubaines ne m'arrivaient pas souvent. Yun-seo séchait les cours pour un oui pour un non. Elle avait l'habitude de traîner dans la salle des étudiants, ou de rester planquée dans un bistrot en face de l'université. En général, c'est là que je la trouvais. D'autres étudiants rôdaient autour d'elle, tous des redoublants de vingt ans. Sous prétexte qu'ils étaient plus âgés, ils traitaient les autres de gamins. A cause de ces crâneurs, il ne m'était pas facile de l'approcher.
Une bande de cons. Quelle plaie ! Comme s'il y avait de quoi être fier de redoubler !
Bien sûr, je n'osais rien leur dire, alors, de dépit, je donnais de grands coups de pied dans les cailloux du bord de la route.
Sans que j'aie eu le temps de m'en rendre compte, le printemps était passé. J'avais cherché un club étudiant où m'inscrire, mais je n'avais rien trouvé.


Quant à Yun-seo, elle est devenue productrice à la radio de l'université. Un jour, elle demande à notre narrateur de faire une apparition à l'émission qu'elle produit.

Pages 19 à 21 :
– Passer à la radio, moi ? Tu crois ?
– Juste dix minutes. C'est pas du direct, t'en fais pas. Allez, s'il te plaît...
Dans le cadre d'une refonte récente de la programmation et en vue d'installer une atmosphère plus amicale sur le campus, on avait créé une émission hebdomadaire où les étudiants étaient invités à s'exprimer. Comment refuser sa demande ? A partir de ce jour-là, j'ai commencé à gober un œuf tous les matins pour me faire une belle voix. Je ne savais pas quelle chanson passer dans le programme. Ça m'angoissait. J'hésitais entre Mauvaise rencontre de Kim Keon-mo, L'Ange qui a perdu ses ailes de Lula ou Mots de rupture de R.ef. Je voulais tellement montrer ma motivation que, le jour de l'enregistrement, je suis arrivé avec dix minutes d'avance.
Tout ce que j'ai enregistré a été coupé au montage. C'était compréhensible. Je m'étais rendu à la radio comme si j'allais à un pique-nique et on m'avait posé des questions sur le lancement de l'OMC, sur la succession héréditaire et plus ou moins légale des grands groupes industriels, sur la démocratisation de l'éducation à l'université, bref des questions sur notre sombre époque. Bafouillant horriblement, j'avais dû passer pour un idiot. Le responsable de la station de radio, un étudiant qui avait l'air aussi vieux qu'un prof, me regardait comme si j'étais une vieille chaussette, soulignant son mécontentement de petits claquements de langue. A la place de la chanson que j'avais choisie, ils ont passé Les Feuilles mortes reviennent à la vie de No Chat Sa, un groupe engagé. N'importe quoi ! Comment des feuilles mortes peuvent-elles revenir à la vie ? Elles se prennent pour Jésus ?
En entendant l'émission, je me suis remis à donner de grands coups de pied dans les cailloux au bord de la route.

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