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Culture

Les nouvelles (3) - « Hôtel Plaza » de Kim Mi-wol (5)

2016-09-15

Les nouvelles (3) - « Hôtel Plaza » de Kim Mi-wol (5)
« Hôtel Plaza », nouvelle de Kim Mi-wol traduite du coréen par Lucie Angheben, Cho Eunbyul, Elisabeth Hofer, Gwénaëlle Pompilio et Shin Sun-mi avec le concours de Choi Mikyung et de Jean-Noël Juttet, publiée dans « Nouvelles de Corée » paru aux éditions Magellan & Cie en 2016.

* Extrait :
Après avoir terminé ses rangements, la femme du narrateur regarde par la fenêtre, les bras croisés.

Pages 26 à 29 :
– Qu'est-ce que tu regardes comme ça ?
– Roh Moo-hyun.
– Quoi ?
Je me suis redressé. Ma femme regardait en bas en direction de la grande porte du palais Deoksu.
– J'étais en train de penser à Roh Moo-hyun. Tu sais bien, c'est là qu'on avait installé un autel au moment de ses funérailles.
Cela remontait à quelques mois à peine. Ce jour-là, nous avions appris la mort du président Roh Moo-hyun : la nouvelle était sur toutes les lèvres, elle occupait tous les médias. Ma femme n'était rentrée que tard le soir. De toute la journée, je n'avais pas réussi à la joindre. Ce n'est qu'en regardant les infos de 21 heures que je l'avais retrouvée. Elle était dans la longue file des gens qui attendaient le long du mur d'enceinte du palais pour venir présenter leurs condoléances, une fleur de chrysanthème blanc à la main. Je l'avais vue en gros plan essuyer une larme du dos de la main. Plutôt que triste, elle avait l'air exténué. Autant que je me souvienne, elle m'a dit plus tard qu'elle avait fait la queue pendant cinq bonnes heures. Il y avait de quoi être fatigué.
J'ai tiré mon paquet de cigarettes de la poche de mon pantalon. Mais impossible de mettre la main sur mon briquet. Pourtant, j'étais sûr de l'avoir pris. J'avais dû le mettre dans l'un des sacs.
– Dis, t'aurais pas vu mon briquet ?
En me jetant un regard de travers, ma femme s'est mise à farfouiller dans les sacs de voyage abandonnés dans un coin. Du haut de notre seizième étage, le ciel avait toujours, à travers la fenêtre, cette incroyable teinte violacée. Loin, tout en bas sur le trottoir, j'observais la valse des parapluies multicolores. Mais les plus nombreux étaient les noirs. Plusieurs personnes allaient et venaient sur la place, sans parapluie. La pluie avait-elle cessé ? Ils étaient tous en noir, comme s'ils s'étaient concertés.
– Non, je ne le trouve pas. Je demande à la réception d'apporter des allumettes ?
– Ah oui, pas bête.
Elle s'est approchée du téléphone. Par-dessus son épaule, je voyais l'avenue Taepyong s'étirer de la mairie jusqu'à Gwanghwamun : des buildings que je connaissais parfaitement, des rues qui m'étaient familières, des lieux que je pouvais me représenter très précisément, même les yeux fermés.
J'ai pris mon parapluie.
– Attends, je vais sortir en acheter un. Ça me fera prendre l'air.
Elle a reposé le combiné avec un sourire.
– Bonne idée. Quand tu reviens, tu peux m'apporter un americano glacé ?
L'horloge numérique de la table de chevet venait de passer de 17:14 à 17:15.
Il y avait un autocar de tourisme arrêté sur le passage piéton devant l'hôtel ; il n'avait pas pu passer à temps avant le feu rouge. Les passagers somnolaient, la tête contre les vitres. Depuis quand les gens ont-ils tout le temps l'air fatigué comme cela ? J'ai ouvert mon parapluie. Il pleuvait moins, mais encore assez pour justifier son utilisation. J'ai regardé du côté du Deoksu, puis du côté d'Euljiro. Des supérettes, on en voyait partout en ville, mais là il n'y en avait aucune. Peut-être derrière l'hôtel ? En me mettant en route, j'ai jeté un vague coup d'œil en direction des dormeurs de l'autocar. Il y avait le carrefour et la fontaine, la mairie et l'entrée du métro... J'avais l'impression que j'allais retrouver Yun-seo.

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