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Culture

Les nouvelles (5) - « Doublage » de Park Chan-soon (2)

2016-11-24

Les nouvelles (5) - « Doublage » de Park Chan-soon (2)
« Doublage », nouvelle de Park Chan-soon traduite du coréen par Hwang Ji-young, Jeong Hyun-joo, Lee Goo-hyun, Lee Jung-hwan, Lee Seung-shin, Lee Tae Yeon et Moon So-young, avec le concours de Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, publiée dans « Cocktail Sugar et autres nouvelles de Corée » paru aux éditions Zulma en 2011.

* Extrait :

Notre narratrice s’installe ainsi dans la salle de montage de Yoon, une sombre pièce d’une quinzaine de mètres carrés en sous-sol.

Pages 264 à 267 :
[...] Soudain l’envie me prend de sortir fumer une cigarette à l’air libre. Je monte à la terrasse par les escaliers. Côté ouest, entre les innombrables buildings, le soleil arrive au bout de sa course. Je laisse errer mon regard sur le panorama en soufflant la fumée de ma cigarette. Au nord, mes yeux s’arrêtent sur la Tour 63 et la Trump Tower. Je me souviens comme si c’était hier du cri que Yoon avait lancé un jour en direction de Yeouido. Il y a trois ans de cela. Au milieu des assiettes de samgyeopsal, un verre de soju à la main, il fêtait, ici même, l’ouverture de l’agence de production qu’il venait de fonder avec des amis. Il avait quitté la chaîne où il travaillait au moment de la restructuration des fournisseurs du réseau câblé.
« Sam-yo-jin ! »
Dans trois ans, à nous Yeouido ! C’était leur rêve de fournir des programmes aux chaînes hertziennes. Quand on regarde vers le nord, du haut de la terrasse au septième étage de cet immeuble de Dangsan-dong, on ne voit que la Tour 63 et la Trump Tower. Mais nous savions que les chaînes de télévision se cachaient juste derrière. Les lumières de Yeouido signifiaient, pour tous, l’univers de la télévision hertzienne. Pour moi qui n’ai comme gagne-pain que des travaux de traduction pour les vidéos et pour les chaînes du câble – qui paient cinq fois moins que les chaînes hertziennes –, ce monde reste aussi désespérément lointain, aussi inaccessible que l’au-delà des nuages. [...]
Redescendue de la terrasse, je reprends place devant le banc de montage. Dans la scène suivante on voit un marais avec des roseaux. On entend la voix de la femme hors champ : « La Société royale pour la protection des oiseaux a aménagé un marais de grande envergure et planté des roseaux spécialement pour cette espèce. Disparus depuis plusieurs décennies, ces oiseaux migrateurs sont revenus dans cette zone où, désormais, ils viennent nicher. » Je tape sur mon clavier et appuie sur la touche Entrée. Sans le script, il m’est difficile de comprendre tous les mots. Si mon travail avance lentement, peut-être est-ce parce que je ne sais pas grand-chose de cet oiseau. A quoi ressemble-t-il donc pour être l’objet d’autant d’attention de la part des Anglais ?
Pour dire la vérité, je suis revenue d’Angleterre sans avoir vu un seul oiseau. Là-bas, dès notre arrivée, Yoon et le cameraman n’ont pas décroché leurs yeux de mes lèvres. J’étais là en tant que traductrice-interprète, mais je ne savais pas où donner de la tête tant j’étais occupée à chercher les lieux de tournage, contacter les gens à rencontrer, préparer les questionnaires... Lorsque l’équipe est partie filmer les oiseaux, j’ai été retenue par autre chose. Et, au bout du compte, je ne sais rien de cet oiseau. Avant toute chose, il ne me sera pas inutile de visionner un documentaire de la BBC.
J’introduis dans le magnétoscope une cassette qui a pour titre « Le retour de l’avocette ». A l’écran apparaît un oiseau vraiment bizarre. Ce qui me saute aux yeux, d’abord, c’est le bec noir d’une étonnante longueur. Il fait plus de la moitié du corps. Les autres oiseaux pourraient s’amuser à sauter par-dessus ! Si jamais vous voyez sur la plage un oiseau qui tourne son bec pour permettre à ses congénères de sauter à la corde, il s’agit sûrement d’une avocette... De plus, l’extrémité du bec se relève. D’où, sans doute, le nom savant de recurvirostra. Le commentateur précise qu’on l’appelle aussi « alène de cordonnier » du fait de sa ressemblance avec l’outil incurvé du cordonnier, percé d’un chas pour passer le fil. Qu’est-il donc, cet oiseau, pour avoir un tel bec ?

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