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Culture

Les nouvelles (5) - « Doublage » de Park Chan-soon (4)

2016-12-08

Les nouvelles (5) - « Doublage » de Park Chan-soon (4)
« Doublage », nouvelle de Park Chan-soon traduite du coréen par Hwang Ji-young, Jeong Hyun-joo, Lee Goo-hyun, Lee Jung-hwan, Lee Seung-shin, Lee Tae Yeon et Moon So-young, avec le concours de Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet, publiée dans « Cocktail Sugar et autres nouvelles de Corée » paru aux éditions Zulma en 2011.

* Extrait :

Si notre narratrice est la seule à pouvoir converser sans problème avec son mari qui n'arrive plus à prononcer les mots correctement, c'est grâce à son métier de traductrice spécialiste du doublage.

Pages 272 à 275 :
Son rôle de chef de famille, il n'a jamais été capable de l'assumer, pas plus quand il pouvait marcher que maintenant qu'il est couché, mais il n'oublie jamais de demander si j'ai mangé. Depuis que maman est morte il y a quelques années – elle était la dernière survivante de nos parents –, nous sommes l'un pour l'autre notre seule famille.
Aux yeux de maman, nous formions un couple de vauriens partageant les mêmes mauvaises habitudes. « Qui se ressemble s'assemble. Vous avez tous les deux des doigts qui n'en finissent pas. Tss tss ! Pas étonnant que vous soyez aussi paresseux ! »
Elle disait cela en faisant claquer sa langue en signe de réprobation. Ce qu'elle trouvait de plus insupportable, c'était que nous vivions vraiment free tous les deux, sans travail stable. [...]
Quand elle me voyait traîner morte d'ennui sur le canapé, elle comprenait tout de suite que je n'avais pas de travail. En plus, elle me reprochait de laisser tomber des cendres de cigarette n'importe où, d'abandonner des fringues aux quatre coins de la chambre. « Puisque vous partagez ces bonnes habitudes, tout ira très bien chez vous ! » C'était il y a quelques années. Mon mari avait dépensé jusqu'au dépôt de garantie de notre logement, qu'il s'était fait restituer. Jetés à la rue, nous étions venus nous installer dans le nouvel appartement de maman. Rentrant chez elle, elle avait reniflé l'odeur de cigarette. Elle avait fouillé dans mon sac et jeté le paquet à la poubelle. Le savon qu'elle m'avait passé avait fait trembler les murs.
« Tous les deux, vous vous valez bien ! Des vauriens incapables de gagner trois sous, qui glandouillent avec leur putain de cigarette au bec toute la journée ! » [...]
Mon mobile sonne : c'est Yoon. A l'instant où je sors de la chambre, un interne entre avec un appareil pour évacuer les glaires. La voix de Yoon, impatient :
– As-tu reçu un appel de la mairie au bureau, par hasard ?
– Non, pendant que j'y étais : rien.
Il est allé à la mairie ce matin, on devait lui donner une réponse dans la journée. La subvention de l'Institut de la Communication audiovisuelle dépend du bon vouloir de la mairie. Yoon et moi, pas question de nous laisser éliminer. C'est notre planche de salut. Ah ! On me dit qu'il n'y a plus de couches, plus de gants stériles non plus ; on en a besoin pour évacuer les glaires. J'informe l'aide-soignante qui s'apprête à sortir pour aller nettoyer la poche alimentaire et la seringue, que je fais un saut au magasin. L'ascenseur est bondé de malades en fauteuil roulant qui vont faire leur petite promenade du soir. Je ne descends pas l'escalier. Au moment où je m'apprête à quitter le magasin, mes achats faits, mon mobile sonne. C'est la voix de l'infirmière :
– Où êtes-vous ? Venez vite !
– Qu'y a-t-il ?
– Mais dépêchez-vous, enfin !
Des moments comme celui-là, j'en ai connu plus d'un au cours de ces trois dernières années, mais cette fois, c'est différent. Boum, boum, j'ai le cœur qui cogne.

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