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Culture

La poésie (5) – Kim Myong-in (1)

2017-04-04

La poésie (5) – Kim Myong-in (1)
« L’Accordéon de la mer et autres poèmes », recueil de poèmes de Kim Myong-in traduit du coréen par Hyunja Kim-Schmidt et Thierry Gillibœuf, paru aux éditions Le temps des cerises en 2003.

* Présentation du poète :
Kim Myong-in est né en 1946 à Uljin dans la province de Gyeongsang du Nord. Il étudie la littérature coréenne à l’université de Corée à Séoul, où il obtiendra plus tard son doctorat avec la thèse « L’étude structurale de la poésie des années 1930 ». Il fait ses débuts littéraires en 1973 en remportant le concours des jeunes écrivains organisé par le journal Joongang avec le poème « Baptême d’un navire ».
Les expériences douloureusement vécues depuis son enfance meurtrie par la guerre de Corée marquent profondément sa création poétique tout au long de laquelle il s’évertue à une intense quête de soi. En même temps, il témoigne du monde de ceux qui vivent en marge de la société et de leurs souffrances. La traductrice Hyunja Kim-Schmidt dit : « Les poèmes de Kim Myong-in expriment dans une langue dépourvue de facticité, sa vive compassion, son sentiment immense d’humanité pour les blessés de la mémoire de guerre comme son propre peuple, les orphelins abandonnés et les gens malheureux des petits pays faibles, dévastés par des conflits à dimension mondiale. »
Le titre de son premier recueil de poèmes publié en 1979 reprend le nom d’un lieu, Tongduch’on (Dongducheon). Hyunja Kim-Schmidt explique : « Dans cette petite ville située au nord de Séoul, non loin de la ligne de démarcation qui sépare les deux Corées depuis la guerre fratricide, stationne toujours une garnison importante de soldats américains afin de prévenir une éventuelle offensive du Nord. C’est donc bien un lieu emblématique, avec la situation marginale de cette population spéciale (prostituées, enfants métis délaissés), pour la mémoire collective des Coréens flétrie par la plaie jamais cicatrisée de la guerre civile. »

* Poème

Tongduch’on III

Après avoir passé les champs de poiriers puis traversé le remblai de la voie ferrée
nous avons bu de la bière provenant de l’armée américaine et de l’eau de vie soju
et cela a finalement dégénéré en bagarre ivre mort
j’ai saisi le prof de commerce Hyun au collet
et tout en donnant des coups de pied à la bedaine de celui-ci fou de colère
Je me suis mis à pleurer toujours avant lui

Tout ça n’était pas grand-chose en fait
En traversant le pont de bois bras dessus bras dessous
avec ses collègues aussi jeunes que lui
désemparé comme un abruti n’aurait-il pas voulu lui aussi regarder en arrière
ce noir d’encre qui s’étendait à perte de vue au-delà de Posanni

Comme ces personnes toujours déracinées
quoique installées plus tôt après force vagabondages nous
étions dans le fond des trimardeurs là aussi La prof Yi restait jusqu’au bout
à plat ventre sous le soleil brûlant comme les vilains petits canards avec les orphelins auxquels nous enseignons
mais alors pourquoi s’est-elle empoisonnée
A chaque aube elle nous tend
la main aujourd’hui encore

Mais nous ne savons plus rien du tout
Quelques-unes de nos élèves qui s’étaient déshonorées
ont dû abandonner l’école
A la suite de ce scandale quelques garçons qui
avaient été renvoyés eux aussi se sont engagés dans l’armée
Lorsque nous sommes partis dans la brume épaisse en l’affrontant à nouveau
nous avons cru ne rien vouloir connaître
de ce monde puisque nous ne le connaissions pas

Que pouvons-nous insulter sinon ce noir désolé
qui nous crispe aujourd’hui encore
Pouvions-nous même punir ce noir
Est-ce nos larmes que cette pluie Sous la pluie froide d’hiver
nous repartons lâchement faute de pouvoir succomber
sans vraiment savoir ce qui restera longtemps à se mouiller

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