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Les poèmes de kisaeng

Courtisane, demi-mondaine ou cocotte, son équivalent dans la Corée de Koryo, puis de Joseon s’appelait « kisaeng », « fille à talents ». En effet, outre leur charme physique, ces femmes ayant comme rôle de tenir compagnie aux personnalités de haut rang cherchaient à leur faire plaisir avec leur qualité en matière d’art, de chant, de danse, de jeu d’un instrument de musique, et aussi dans l’art de la conversation, ce qui leur a valu le surnom « haeeohwa », « fleur qui comprend la parole ».

Certaines d’entre elles étaient aussi admirées pour leur talent poétique, une arme de séduction qu’elles ont forgée sans doute, s’adressant plus spécifiquement aux lettrés fréquentant les maisons de kisaeng. Ce fut le cas d’une courtisane qui s’est donné comme sobriquet Hanwoo, « Pluie froide ». Un surnom suggestif. « Pluie » pouvait évoquer « les jeux de la pluie et des nuages », une locution connotant les ébats. Un certain Im Jae, un noble réputé pour sa plume, tente alors de conquérir le cœur de « Pluie froide », et ce naturellement via un poème :


Comme le ciel était clair, je suis sorti sans me prémunir de la pluie

Mais voilà une giboulée qui recouvre monts et champs

Trempé de Pluie froide, je dormirai gelé


Im Jae fait allusion à son trouble devant la grande beauté de Hanwoo, de façon à se comparer à un homme surpris par une averse. Réponse de son interlocutrice, également en vers 


Mais pourquoi dormir gelé

Délaisser le traversin brodé au couple de canards mandarins

Pluie froide vous ayant surprise devra bien de vous dégeler


Autant dire que son cœur s’est ouvert à la suggestion poétique de l’homme.


Une autre célèbre kisaeng de l’époque de Joseon, Hwang Jini, était une véritable poétesse. En fait, des dizaines de ses poèmes, des « sijo », plus précisément « tercet », qui nous sont parvenus font l’objet d’une admiration.

Nombreuses sont aussi les anecdotes, celles qui racontent notamment ses aventures amoureuses. En effet, cette kisaeng, belle et à multiples talents, était une séductrice et multipliait ses conquêtes masculines parmi lesquelles figurait même un grand moine bouddhiste, Jijok.

Evoquant Caroline Otero, dite « La Belle Otero », une célèbre courtisane de la Belle Epoque, d’autant que sa redoutable arme de séduction était également la danse, Hwang Jini a cependant échoué à faire son amant un certain Seo Gyeong-deok, un écrivain renommé de son époque. Pratiquement son seul échec en la matière. C’est probablement pour cette raison qu’elle est demeurée particulièrement attachée à lui. En fait, « amour » rime souvent avec « frustration ». Selon toute vraisemblance, un tercet de Hwang Jini, intitulé « Novembre lunaire », est dédié à cet homme n’ayant pas succombé à ses charmes :


Une longue nuit d’hiver, j’en découpe une partie au milieu

Je l’enroule et la mets dans mon lit parfumé de printemps

Je la déroulerai pour accueillir mon amour


Pour parler d’une autre kisaeng-poétesse, rappelons que les courtisanes de Joseon appartenaient au rang social le plus bas, dit « cheonmin », les « roturières ». Les célèbres kisaeng étaient toutefois entretenues par des nobles riches et puissants, ce qui pouvait les amener à se considérer comme partie intégrante du milieu mondain. Par ailleurs, certaines d’entre elles se liaient d’amitié avec des écrivains. Ce fut le cas d’une dénommée Maechang, particulièrement douée pour la poésie. Elle avait comme ami le célèbre homme de lettres Heo Gyun, l’auteur de La Légende de Hong Gildong, roman devenu un classique de la littérature coréenne.

D’une amitié amoureuse cette fois, Maechang s’était liée pendant un certain temps avec un autre écrivain, Yu Hee-gyeong, qui, lui, à la différence de ses autres fréquentations, était de souche plus que modeste. La rupture des deux personnes a-t-elle été dûe au besoin que la célèbre courtisane ressentait de préserver son image, voire son orgueil ? Elle a toutefois écrit un poème en regrettant son ancien amour qui appartenait au même rang social qu’elle :


Nos adieux en sanglot sous la pluie de fleurs de poirier

Vous en souvenez-vous à la tombée des feuilles mortes

Un rêve solitaire parcourt, en vain, mille lieues


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Comme le ciel était clair » chanté par Brown Eyed Soul.
  2. « Pourquoi dormir gelé » chanté par Yi Yun-jin.
  3. « Une longue nuit d’hiver » chanté par Souljigi avec Kim Jun-young au geomungo.
  4. « Nos adieux en sanglot » chanté par Yi Ra-yeon.

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