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Le plaisir de boire

Dans quelle circonstance arrive-t-il à une personne de boire seule ? En voici une, celle que décrit le texte d’un chant intitulé « Jejeon », « cérémonie d’offrande ». Une scène qui nous rend compatissants.


Nous sommes à Cheongmyeong, une journée consacrée en Corée et en Chine à l’entretien des sépultures, l’équivalent de la Toussaint en France. Sa date est fixée au 5 avril. Son nom, qui veut dire « pureté et lumière » indique les caractéristiques climatiques autour de cette journée.


« Ce 105e jour », entonne l’interprète qui s’identifie au personnage du texte chanté, une jeune veuve qui se rend sur la tombe de son défunt mari. Cheonmyeong tombe effectivement le 105e jour à compter du « dongji », le Solstice d’hiver. La femme, qui vient d’arriver devant la stèle, a préparé comme offrandes, les multiples plats préférés de son époux, sans oublier le vin, et les dépose sur l’autel en pierre avec une subtile délicatesse. Une femme dévouée à son mari, qui ne songe pas à se remarier.


A la fin de la cérémonie, la jeune veuve boit le vin offert au défunt, conformément au rituel. Ce partage dit « eumbok » la console un peu. Encore un verre. La femme va finalement se saouler et hurler : « Chéri, emmène-moi ! »


Dans quelle circonstance les femmes de Joseon se permettaient-elles de boire jusqu’à l’ivresse, alors que la société phallocratique exigeait d’elles de la pudeur ? A l’occasion de « hwajeonnori » en l’occurrence, un pique-nique entre femmes organisé au printemps.


Voici un groupe de dames qui profitent du beau temps de la saison du renouveau pour aller pique-niquer dans une montagne à proximité de leur village. Le repas froid est inconnu en Corée à cette époque. Les piqueniqueuses munies d’ustensiles vont alors préparer leur déjeuner sur place, et notamment des « hwajeon », « galette à fleur ». De quoi s’agit-il ? C’est une couche de pâte à base de farine de riz cuite avec au milieu des pétales, le plus souvent d’azalée qui, à chaque printemps, recouvrent les montagnes coréennes. Les convives accompagnent ce plat peu commun d’une boisson alcoolisée. Leur sortie en plein air est par ailleurs un événement lui aussi exceptionnel. Et cela s’arrose.


Un sentiment d’émancipation et de liberté s’empare de ces femmes, loin du regard de leur mari et de leurs voisins masculins. « A boire ! » s’écrie une d’entre elles, visiblement saoule. Quant à une autre, éméchée elle aussi, elle propose de chanter une chanson, « Kwanjuga », « invitation à boire », une mélodie dont les hommes ont le monopole.


Texte d’un chant datant de l’époque de Joseon, voici cette fois une circonstance qui a brusquement donné à un homme envie de prendre un verre.


Au milieu de l’après-midi, un lettré a succombé à la fatigue printanière et s’est endormi dans son cabinet de travail. A son réveil, il s’aperçoit que la maison est plongée dans un profond silence. Il ouvre la fenêtre garnie de papier de murier donnant sur la cour. Personne ne s’y trouve. Au-dessus d’un petit champ de fleurs aménagé dans un coin de la cour, voltigent nonchalamment quelques papillons. Quel sentiment notre homme pouvait-il éprouver devant ce spectacle silencieux pour lui donner soudainement envie de boire ? Voici la suite du chant qui nous permet de l’imaginer.


« Un verre, encore un verre », dit le texte. Le buveur solitaire s’apprête finalement à sortir à la recherche d’un compagnon de beuverie. « Une femme », précisent les paroles. Il va sans doute se diriger vers une maison de kisaeng.


Liste des mélodies de cette semaine

  1. « Cérémonie d’offrandes » chanté par Ji Hwa-ja.
  2. « Invitation à boire » chanté par le groupe Moderngagok.
  3. « Les relations » interprété par L’Art Pour L’Art.

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