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Cinéma & dramas

Hurrah For Freedom : un classique de 1946

2022-02-02

Séoul au jour le jour


Dans notre série consacrée aux films qui ont marqué l'histoire du cinéma sud-coréen, commençons par « Hurrah For Freedom » de Choi In-kyu sorti en 1946. Gros succès de la période qui suit le retrait de l'administration coloniale et des troupes nippones de Corée, le film a connu bien des aventures qui témoignent de l'époque et même au-delà.


* Choi In-kyu et le cinéma colonial

Le réalisateur Choi In-kyu était l'un des plus connus en Corée dans les années 1930. Mais il revenait de loin en 1946. En effet, il avait eu des succès dans le cinéma sous contrôle colonial. Notamment, il avait réalisé une trilogie (« Children of the Sun », « Vow of Love » et « Sons of the Sky ») de comédies-dramatiques qui servait à encourager les jeunes coréens à rejoindre l'armée japonaise et à opter pour la citoyenneté nippone. Il faut rappeler que si le cinéma coréen s'est beaucoup développé dans les années 1920 et 1930, à partir du début de la guerre sino-nippone en 1937, la censure coloniale limite grandement la liberté des cinéastes coréens. Choi, qui s'en était bien sorti à l'époque a donc dû faire amende honorable après la Libération de 1945. Fort de sa notoriété, il s'est lancé dans la célébration de la résistance anti-japonaise. C'est toute l'histoire de « Hurrah For Freedom ».


* Héros de la résistance

Comme les films français de la Libération de la « Bataille du rail » au « Père tranquille » en passant par les « Démons de l'Aube », il s'agit de glorifier à posteriori des héros de la résistance dont la plupart étaient déjà morts dans la plus grande indifférence. C'est ce qu'on appelle la magie du cinéma. Le film débute donc par une évasion qu'on devine être celle de prisonniers politiques coréens. On comprend vite que le héros, interprété par Jeon Chang-geun, a aussi des amoureuses un peu partout, et elles le mettent au vert. Mais le héros rejoint un groupe de résistants qui s’apprête à prendre les armes. Las, les Japonais découvrent l'affaire, la kempetai est sur les dents. Le héros se cache chez une nouvelle amoureuse qui est la maîtresse d'un collaborateur coréen. A partir de là, il faut se référer au scénario qui a survécu aux coupes effectuées dans les années 1970 par la censure. Le scénario montre les divisions entre groupes résistants notamment entre nationalistes et communistes coréens. Finalement, ils s'unissent pour une insurrection condamnée d'avance. Mais le film se termine sur les bombes atomiques de Nagasaki et Hiroshima donc la défaite nippone et la libération de la Corée.


* Du style

On a beaucoup évoqué les conditions misérables du cinéma dit de la « Libération ». En effet, les Japonais ont quitté le pays en emportant beaucoup d’équipements et de pellicules pour faire des films. Mais cela n'a rien à voir avec le style d'un film, comme le prouvent les films du néo-réalisme italien eux aussi conçus dans des conditions difficiles. Choi In-kyu a manifestement tenté une alchimie complexe entre des intrigues romanesques très modernes, des scènes de discussions politiques (dont la plupart ont disparu dans la version survivante du film) et des scènes d'action de film de guerre. Ces dernières sont les plus réussies notamment l’arrestation du porteur de dynamite dans les rues du centre de Séoul. On y retrouve la liberté de filmage d'un film comme « Mimong » en 1936. De ce film aussi, on peut retrouver les jolis minois des actrices qui minaudent autour du héros sans toutefois tomber dans le mélo des familles qui deviendra typique du cinéma sud-coréen des années 1950. Enfin, il n'abuse pas des dialogues, et il faut souvent deviner indirectement l'intrigue, forçant ainsi le spectateur à une attention visuelle particulière.


* Mésaventures et censure

« Hurrah for Freedom », tel qu'il subsiste aujourd'hui, est incomplet. Sa fausse « restauration » en 1975 l'a probablement amputé de toute la fin. Mais aussi l'intrigue elle-même en a souffert. Le cas de la quasi suppression du personnage du collaborateur joué par l'acteur Dok Eun-gi est frappant. On suppose que ce dernier ayant continué sa carrière en Corée du Nord, la censure ne pouvait plus tolérer de le voir dans un film élevé au rang de chef-d’œuvre national. Il est aussi probable que le sujet de la collaboration coréenne devenait alors tabou comme celui de la glorification de l'intervention américaine qui aurait causé la suppression des images des bombardements atomiques sur le Japon. Au final, le film est autant un témoignage de l'époque colonial que du destin des films quand ils touchent à des sujets brûlants.

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